Troisième de la division Atlantique au début du mois, Montréal se réveillait vendredi matin à 8 points des playoffs, et un match de joué en plus… L’équipe régresse et il semble temps de faire un trait sur cette saison 2017-18, à la condition d’en tirer les bonnes conséquences.
Le mois de décembre aura donc été sûrement fatal aux Habs. Après la remontée de novembre, les hommes de Claude Julien ont marqué le pas début décembre, avant de connaître une dernière quinzaine difficile. Si Montréal aura ramené quelques points quand même, l’équipe a été dominée successivement dans le jeu par les Devils, les Sens, Calgary, Edmonton, la Caroline et Tampa. La fiche sur le mois est de 4 victoires et 7 défaites. Pour un groupe qui se devait de gagner les deux tiers de ses rencontres pour rattraper le retard d’octobre, le compte n’y est pas. Et, surtout, la manière non plus. Si notre modèle de prédiction donnait 96% de chances de qualification aux Habs fin novembre, il ne leur en donne plus aujourd’hui que 43% de chances…
Il suffit de regarder l’évolution des buts anticipés pour et contre pour se rendre compte du problème actuel. Après un début novembre très favorable, quinze jours égaux puis la belle série fin novembre, les buts anticipés contre grimpent en flèche depuis lors. Et les buts anticipés pour dégringolent. Il était clair depuis le départ que la défense ne serait pas le fort de l’équipe cette saison, mais elle se devait de contenir au moins un maximum les chances accordées à l’adversaire. Or, le navire prend l’eau.
À quel point l’absence de Shea Weber pèse-t-elle dans ce constat ? Assurément beaucoup. Clopinant depuis un tir reçu dans le patin lors du match d’ouverture de la saison, Weber figurait tout de même parmi les deux paires ayant provoqué le plus offensivement, avec Victor Mete ou Jordie Benn. Sans Mete (parti aux championnats du monde junior) et Weber, la transition offensive, déjà difficile, est à l’arrêt. Jeff Petry est au four et au moulin, joue près de 30 minutes par match et s’accommode tant bien que mal de Karl Alzner, alors que celui-ci aurait davantage sa place sur une 3e paire. Brendan Davidson avait un profil complet et travailleur de l’ombre, mais Montréal lui a préféré Joe Morrow, auteur de quelques buts chanceux mais qui a l’air constamment perdu sans la rondelle et laisse les attaquants aller à leur guise. L’état-major semble pourtant lui accorder une certaine confiance. Morrow que Claude Julien protégeait déjà à Boston. Mais la défense est surtout la responsabilité de Marc Bergevin. Tous les défenseurs actuels ont été acquis par lui, et ses décisions managériales commencent à peser lourd, sans grande surprise.
Saison perdue mais pour quoi faire ?
Montréal ne verra donc sûrement pas les playoffs. Non pas que les Habs soient réellement mauvais, et les solutions offensives existent (Galchenyuk-Drouin-Lehkonen / Pacioretty-Danault-Shaw / Hudon-Plekanec-Gallagher), mais le retard est désormais trop grand. Seule une Wild-card semble possible mais c’est sans compter sur Carolina et Pittsburgh qui devraient encore remonter. Alors Montréal doit-elle tout plaquer ? Tout dépend pour quoi faire.
La malchance du début de saison et un Price diminué ont eu leur rôle dans cette saison ratée. Mais la responsabilité du management est indéniable. Marc Bergevin n’a pas réussi à bonifier son équipe depuis 6 ans. Il a réussi des bons coups à la marge (Danault, Byron, Petry) et bien géré son plafond salarial, mais le cœur du chantier est un échec. Montréal possédait en Subban-Markov-Petry un très bon trio de défenseurs mobiles et complets correspondant à la NHL d’aujourd’hui et Bergevin a préféré une vision conservatrice avec Weber et Alzner. Conservatrice comme son refus de donner un contrat à Markov, ou d’ajouter quelques dollars pour conserver Alex Radulov. Il a répété maintes et maintes fois qu’obtenir un centre numéro un via un échange était impossible, quand d’autres équipes l’ont fait. Et lorsqu’il est passé à l’action, ce fut pour acquérir Jonathan Drouin, un attaquant surdoué mais pas un centre de métier.
La gestion de son entourage suit la même logique conservatrice. Le club école en AHL va d’échecs en échecs avec le même entraîneur à sa tête depuis 6 ans. On y fait trop souvent jouer des vétérans plutôt que les espoirs du club, avec pour résultat seuls quatre joueurs NHL secondaires formés sur cette période : Charles Hudon, Daniel Carr, Sven Andrighetto (Colorado) et Nathan Beaulieu (Buffalo)… Les mêmes entraîneurs adjoints présents sous Michel Therrien sont encore en poste, malgré des performances misérables de la supériorité et de l’infériorité numérique depuis des années. Ce refus de tirer les leçons des échecs pousse légitimement à se demander si Marc Bergevin devrait rester en poste pour gérer une éventuelle mini-reconstruction ? Les seuls éléments positifs à nommer dans les bureaux du club sont Claude Julien, à qui il convient de donner le bénéfice du doute, l’entraîneur des gardiens Stéphane Waite, qui a transformé Carey Price, et Trevor Timmins, le chef du repêchage qui a dû batailler avec les demandes de son patron…
Le nom de Julien Brisebois, ex-membre des Canadiens et actuel adjoint de Steve Yzerman à Tampa circule depuis des années. L’homme de 40 ans a l’avantage de ne pas être un ancien joueur, et de représenter une nouvelle approche de la profession. En 11 années d’assistant DG et responsable des clubs écoles, ses équipes ont atteint quatre fois la finale AHL. Il a été le premier à donner leur chance aux entraîneurs Guy Boucher ou Jon Cooper. Il a aussi déniché Tyler Johnson ou Yanni Gourde, joueurs non-draftés. Brisebois est prêt pour prendre les rênes d’un club NHL et il apporterait un vent de fraîcheur à l’organisation.
Quel avenir à court terme ?
Car tant qu’à rater une saison, autant en profiter. Outre le ménage en hauts lieux, Montréal possède quelques atouts dans sa manche à échanger d’ici la fin février. Nul besoin de brûler la maison jusqu’aux fondations. Le club pourrait très bien repartir dès l’an prochain avec les Drouin, Galchenyuk, Gallagher, Lehkonen, Hudon et bien-sûr Carey Price. Nikita Scherbak est prêt pour jouer sur un trio offensif. Jake Evans brûle actuellement la NCAA et fera le saut en NHL l’an prochain (s’il signe à Montréal). Ryan Poehling est un autre centre d’avenir. Noah Juulsen jouera en défense l’an prochain, Victor Mete également et d’autres espoirs pointent aussi le bout de leur nez à la ligne bleue. Ajoutez à cela un possible très bon choix de repêchage en juin prochain et il y a de quoi repartir rapidement de l’avant.
Si Montréal devrait dire oui à la première offre pour Weber et son contrat faramineux, tout comme pour Alzner et Shaw, le nom sur toutes les lèvres est celui de Max Pacioretty. Philip Danault et Tomas Plekanec pourraient ramener une certaine valeur grâce à leur profil de 3e centre mais le capitaine du Canadien est un ailier marqueur de 30-35 buts, capable de jouer en infériorité et qui ne touche « que » 4.5M$ par an pour cette saison et la suivante. Une aubaine incomparable pour n’importe quel prétendant à la coupe. À 29 ans, il demandera une augmentation significative à l’été 2019 et sa valeur ne sera jamais aussi haute que cet hiver. Ce serait l’occasion pour Montréal d’aller chercher un jeune défenseur établi ou certain de le devenir. Caroline en regorge et manque de buteurs…
À l’issue des prochains mois, les Canadiens pourraient donc avoir un visage bien plus attractif et prometteur. À condition que le propriétaire, Geoff Molson, appuie sur le bouton. Mais son DG lui affirme qu’il « a un plan ». Ce plan se nomme-t-il John Tavares ? Montréal aura l’espace salarial et des arguments pour le signer l’été prochain, si le capitaine des Islanders en arrive là. Le statut quo risque donc de demeurer, mais, pour Geoff Molson, les recettes importantes des matchs de playoffs (3 millions par partie jouée au Centre Bell) demeurent un incitatif certain… Il faudra qu’elles reviennent rapidement.