Corruption et espionnage, rien que ça : telles sont les accusations portées par le manager de l’équipe tchèque Jan Černý à l’encontre des Russes avant le match.
Il a d’abord expliqué qu’un Russe est venu le voir pour lui proposer, moyennant un pot-de-vin, de renoncer au choix des maillots et du côté de la glace, privilège que les Tchèques ont acquis par leur meilleur classement en première phase. La « Red Machine » – comme elle est surnommée par les supporters russes qui forment ces lettres en tribunes – pourrait ainsi jouer dans sa couleur préférée, censée faire peur à l’adversaire. « Sérieusement, il a avancé un billet de cent euros devant moi. La crise est à ce point en Russie ou quoi », a rigolé Černý devant les journalistes tchèques.
Il y a aussi eu un incident lors de l’entraînement tchèque. Un caméraman de Pervaïa Kanal, la première chaîne publique de la télévision d’état russe, celle qui sponsorise le tournoi de décembre à Moscou, est venu filmer la séance. Le règlement est clair : les entraîneurs ont le droit d’observer et de prendre des notes, mais il est interdit de filmer (seule la télévision tchèque le fait, tolérée par le staff). Le caméraman a feint de ne pas comprendre, mais pour les Tchèques, tout cela participe d’une « guerre psychologique » volontaire.
En matière psychologique, il faut le dire, les Russes partent avec un avantage. Ils ont en effet battu les Tchèques lors de leurs six dernières confrontations. Mais ce match peut tout faire oublier. Ces polémiques font monter une tension déjà très forte. Les Russes ont entendu les Tchèques se réjouir de leur qualification avant de jouer leur propre quart de finale, car les deux vestiaires se touchent. Après le match, en plus de sa propre déception, une des deux équipes devra en plus supporter les festivités voisines de l’autre côté du mur !
Jusqu’au dernier moment, la participation de Michal Jordan était incertaine. Il avait dû quitter ses partenaires à l’échauffement face aux États-Unis à cause d’une douleur musculaire à la jambe, laissant sa place à Vitásek (qui a commis pas mal d’erreurs). Jordan est finalement présent. Il n’y a aucun autre changement dans les effectifs.
Les deux équipes serrent le jeu d’entrée dans la zone neutre, avec peu d’espaces. Chacune concède à son tour une pénalité, un surnombre russe et une crosse haute de Koukal. Comme prévu, le jeu de puissance de la Russie est le plus dangereux, avec ses enchaînements de passes et sa haute qualité technique. L’extrême patience de Nikita Gusev parvient à attirer le défenseur Michal Jordan et à faire la passe par dessous sa crosse vers Kirill Kaprizov, en position préférentielle devant la cage. Pavel Francouz fait l’arrêt.
Au quart d’heure de jeu, une relance de Voïnov n’est pas contrôlée – volontairement ? – par Ilya Kovalchuk à la ligne bleue et parvient dans le prolongation à Sergei Kalinin, qui est dans le dos des défenseurs et se présente en face-à-face avec Francouz, encore vainqueur de ce duel. La première période s’achève sans but mais les meilleures occasions auront été russes.
Même si les Tchèques rivalisent dans les duels et contrent les palets, la qualité technique des Russes finit par faire la différence peu avant la mi-match : la passe transversale de Pavel Datsyuk est reprise dans le cercle gauche par Nikita Gusev. Le capitaine Martin Erat conteste le but en réclamant une obstruction de Kaprizov sur le gardien, mais si l’ailier du CSKA Moscou a les deux patins dans la zone, c’est parce que Mozík l’y a poussé. Il n’a pas vraiment gêné le déplacement de Francouz – trop court pour capter le palet de la mitaine au vu de la vitesse de la passe – et le but est logiquement validé. Pour avoir réclamé la vidéo sans être couronnée de succès, la République Tchèque perd son temps mort. Une forme de double peine…
La double peine arrive tout de suite après. Sur une mise au jeu dans la zone russe, une transition extrêmement rapide est permise par la vitesse du défenseur Vladislav Gavrikov (plus rapide à la fois que le vieil arrière Nakládal et que le jeune attaquant Kubalík). À 2 contre 1, la passe levée du revers d’Ivan Telegin pour Gavrikov est parfaite.
Avec deux buts de retard, la situation des Tchèques se corse. Mais ils ont aussitôt des occasions de se relancer grâce à deux pénalités à l’encontre de Kovalchuk, pour un genou qui traîne dangereusement face à Kolar – ce qui aurait pu être sanctionné plus lourdement – et pour un cinglage qui casse la crosse de Polášek. Pendant la première supériorité numérique, la deuxième ligne tchèque reste installée pendant deux minutes pleines. Martin Růžička rate alors une cage grande ouverte, servie sur un plateau par Roman Červenka. Les Russes gèrent mieux leur seconde infériorité : Kablukov plonge pour contrer à la ligne bleue et Datsyuk gagne un duel, ce qui renvoie à chaque fois les rouges dans leur camp.
Les Tchèques n’ont plus de question à se poser et passent à l’attaque au troisième tiers-temps. Vassili Koshechkin fait un bel arrêt de la jambière en déplacement face à Petr Koukal, servi par une passe du coin opposé de Tomáš Zohorna. Puis, sur un bon jeu en triangle Mozik-Koukal-Zohorna, Kablukov retient ce dernier pour l’empêcher de tirer. La République Tchèque reste encore installée deux minutes sans pour autant trouver l’ouverture.
Les Russes sont repliés en contrôle pour éviter toute contre-attaque, mais se font une petite frayeur à huit minutes de la fin : pressé par Růžička derrière son but, Bogdan Kiselevich perd l’équilibre et Petr Koukal lui prend le palet. Le centre tchèque échoue néanmoins dans les bottes de Koshechkin. Les efforts des rouges ne récoltent pas de fruits. Lorsque Zubarev commet un dégagement interdit après une présence d’une minute en zone défensive, Oleg Znarok utilise son temps mort pour reposer ses hommes et ne prendre aucun risque.
Comme souvent ces dernières années, les Tchèques donnent l’impression de pouvoir passer une éternité sans pouvoir concrétiser. Leur domination reste aussi stérile qu’une salle d’opération : la couleur blanche leur irait finalement mieux ! Mais c’est au gardien russe Koshechkin qu’elle sied ce soir… Kovalchuk marque le troisième but en cage vide pour clore le match. Les Russes sont en finale.
Commentaires d’après-match
Martin Růžička (attaquant de la République Tchèque) : « Cela va tourner longtemps dans ma tête. Je ne sais pas quoi dire. Je levais déjà les bras. Neuf fois sur dix, je rentre ce genre de tirs à l’entraînement, et là il s’envole comme ça pendant le match. Koshechkin est un grand gardien, il l’a prouvé depuis longtemps, mais on peut lui marquer un but. Ce n’est pas comme s’il était un démon. Nous n’avons pas fait un mauvais match, mais il manquait les buts. »
Josef Jandač (entraîneur de la République Tchèque) : « Dans des situations totalement identiques, Růžička n’a pas marqué en cage ouverte et le Russe [Gusev] l’a atteinte. Ce sont les moments qui font basculer un match. Nous n’étions pas moins bons qu’eux. J’ose même dire que nous avons peut-être plus eu le palet. Nous avons passé plus de temps en zone offensive, mais quand les Russes ont pris deux buts d’avance, ils ont un peu reculé et défendu. C’était différent du match contre la Russie à Paris. Je ne peux rien dire aux gars cette fois. Nous avons pressé, nous avons mis du mouvement, nous avons gagné les duels. Nous sommes allons à la cage, nous avons joué avec responsabilité et discipline. Mais sans buts, on ne peut pas gagner. […] À notre avis, la faute de Kovalchuk méritait une méconduite pour le match, mais il n’a malheureusement pris que deux minutes. »
Ilya Kovalchuk (attaquant de la Russie) : « Peut-être étions-nous nerveux, nous avions peur de faire une erreur. Nous nous sommes détendus quand nous avons marqué le premier but. Cela nous a donné des émotions, nous avons immédiatement ajouté le second but. Vasya [Koshechkin] et les unités spéciales d’infériorité numérique ont été excellentes. Il faudrait mieux jouer en supériorité. […] Il a dégagé au dernier moment, j’ai pris sa jambe. Dieu soit loué, il n’y a pas eu de blessure et je n’ai reçu que deux minutes. J’étais inquiet à ce moment, mais je ne voulais blesser personne. »
Jan Kolar (défenseur de la République Tchèque) : « Je ne sais pas si c’était intentionnel. Je l’ai vu au dernier moment et il m’a heurté juste sur le genou. Il savait bien comment il m’avait touché et une excuse ne coûtait rien. Il aurait pu au moins venir me dire quelques mots. En sortant de la glace, je lui ai dit de manière assez brutale et il a aussi été rude avec moi, je préfère ne pas en parler. J’ai tout de suite su que ça irait. Le genou me faisait très mal mais pas les ligaments. […] Nous avons eu beaucoup de tirs, mais pas d’occasions si on ne compte pas les powerplays. La défaite nous blesse, mais seulement pour dix minutes, parce que nous devons nous concentrer sur la troisième place. Nous sommes venus pour une médaille, et si elle est en bronze, elle vaudra l’or pour nous. »
République Tchèque – Russie 0-3 (0-0, 0-2, 0-1)
Vendredi 23 février 2018 à 16h40 au Centre hockey Gangneug. 4330 spectateurs.
Arbitrage de Brett Iverson (CAN) et Mark Lemelin (USA) assistés de Jimmy Dahmén (SUE) et Sakari Suominen (FIN).
Pénalités : République Tchèque 6′ (2′, 4′, 0′) ; Russie 10′ (2′, 6′, 2′).
Tirs : République Tchèque 31 (6, 15, 10) ; Russie 22 (9, 8, 5).
Évolution du score :
0-1 à 27’47 : Gusev assisté de Datsyuk
0-2 à 28’14 : Gavrikov assisté de Telegin et Grigorenko
0-3 à 59’39 : Kovalchuk assisté de Zub et zubarev (cage vide)
République Tchèque
Attaquants :
Dominik Kubalík (-1) – Jan Kovář (A, -2) – Martin Erat (C, -2)
Roman Červenka (-1, 2′) – Tomáš Mertl – Martin Růžička
Jirí Sekáč (-1, 2′) puis à 40′ Tomáš Zohorna – Petr Koukal (2′) – Lukáš Radil (-1)
Michal Birner – Roman Horák (-1) – Michal Řepík (-1)
Défenseurs :
Adam Polášek (-1) – Jakub Nakládal (-1)
Jan Kolář (A, -1) – Vojtěch Mozík (-2)
Michal Jordán – Tomáš Kundrátek
Ondřej Němec (-1)
Gardien :
Pavel Francouz [sorti de 57’50 à 59’39]
Remplaçant : Dominik Furch (G). En réserve : Patrik Bartošák (G), Ondřej Vitásek, Michal Vondrka.
Athlètes olympiques de Russie (2′ pour surnombre)
Attaquants :
Ilya Kovalchuk (A, +1, 4′) – Sergei Andronov (A) – Sergei Kalinin
Kirill Kaprizov (+1, 2′) – Pavel Datsyuk (C, +2) – Nikita Gusev (+1)
Aleksandr Barabanov – Nikolai Prokhorkin – Sergei Shirokov
Mikhail Grigorenko (+2) – Ilya Kablukov (+1, 2′) – Ivan Telegin (+1)
Sergei Mozyakin
Défenseurs :
Vladislav Gavrikov (+1) – Vyacheslav Voynov (+2)
Nikita Nesterov – Bogdan Kiselevich
Artyom Zub (+1) – Andrei Zubarev (+2)
Yegor Yakovlev
Gardien :
Vasili Koshechkin
Remplaçant : Ilya Sorokin (G). En réserve : Igor Shestyorkin (G), Aleksei Marchenko, Vadim Shipachyov.