Pierre-Édouard Bellemare, Antoine Roussel et Antonin Manavian ont eu la gentillesse de répondre à nos questions la veille du début du tournoi de qualification olympique 2021 de Riga. Nous avons voulu savoir dans quel état d’esprit ils abordaient individuellement et collectivement ce rendez-vous.
« Le seul truc dont j’ai envie, c’est aller aux JO »
Antonin Manavian se souvient ce qu’évoque les JO pour lui : « C’est probablement ma dernière qualif, c’est un rêve pour moi. On a suivi les JO étant gamin tous les 4 ans, c’était la seule fois où on pouvait suivre le hockey, parce qu’on n’avait pas tous ces moyens comme à l’heure actuelle. Je vais donner tout ce que j’ai. Je joue comme si c’était mes derniers matches. Ma dernière chance de réaliser un rêve de gamin. » Même son de cloche du côté d’Antoine Roussel, sauf que l’attaquant français aux 554 matches de NHL (le record en cours) n’avait encore jamais pu rejoindre l’équipe les Bleus pour un TQO : « Je ne suis même pas sûr que les gars y font attention, c’est mon premier, du coup c’est motivant dans le sens que c’est une première fois, une première fois que j’ai l’occasion d’aller aux Jeux Olympiques. »
À l’inverse, l’autre avant français établis en NHL depuis de longues saisons Pierre-Édouard Bellemare disputera déjà son 5e TQO, sa détermination est intacte : « Je sais ce que je dois faire pour aider l’équipe. Le seul truc dont j’ai envie, c’est aller aux JO. » Il nous dresse un petit historique : « Ce sont des tournois compliqués. L’un, on n’a pas bien joué du tout. Deux, on n’a pas joué le premier match et ça nous coûte le troisième. En Norvège [en 2016], on a fait le maximum. Mais c’est finalement la meilleure équipe qui se qualifie. » De quoi tirer des enseignements : « On se concentre sur le premier match. Point barre. Il n’y a rien d’autre qui compte. C’est des erreurs qu’on a faites auparavant: on n’était pas concentrés sur le match numéro 1. Il n’y a pas de 2e et de 3e match dans ma tête, il n’y en qu’un. »
Une première rencontre contre la Hongrie qu’Antonin Manavian connaît bien pour avoir disputé plusieurs saisons en EBEL dans le club phare de Budapest, à partager les vestiaires avec bons nombres de joueurs hongrois sélectionnés pour ce tournoi. Mais pas de quoi amadouer le colosse : « Personnellement j’ai toujours dit que je n’avais pas d’amis sur la glace, même quand je joue contre des copains. » Une attitude que partagent d’ailleurs les deux attaquants quand ils se croisent en NHL. « Dès que c’est le match, y’a pas d’ami sur la glace. Il reste un respect mutuel. L’amitié, c’est la veille du match. » nous dit Antoine. Pierre-Édouard se souvient justement d’une grosse charge de Roussel : « Je lui ai dit après le match qu’il y était allé fort, il m’a répondu : « La plus grosse forme de respect que je peux te montrer, c’est de te jouer à 100%. » C’est Antoine qui m’avait dit ça et c’est resté depuis avec moi. Quand je m’entraîne avec les gars de Skelleftea l’été, je joue le plus solidement possible pour leur montrer aussi mon respect. »
Si Janos Vas est un nom familier pour beaucoup en France, Antonin se souvient bien des gardiens. « Je m’entendais très bien avec Hetenyi. C’était des bons gardiens [avec Rajna] mais ça fait très longtemps. » De quoi donner d’éventuels conseils aux artilleurs français ? « On ne m’a pas demandé mais si on me demande je le ferais. » Avec beaucoup d’inconnues chez les adversaires comme dans les rangs français, Antoine Roussel préfère surtout se concentrer « sur nous, sur notre jeu, sur la façon dont on joue, la façon dont on va dicter les matches. Ça va être important d’aller chercher le premier but. »
Pierre-Édouard Bellemare abonde dans le même sens : « Il faut se concentrer sur nous. Sur notre jeu et sur notre jeu défensif en particulier. Tous nos exploits passés ont reposé sur des exploits défensifs. Peu importe la qualité offensive qu’on avait. J’ai fait des qualif olympiques avec Seb Bordeleau, c’était notre meilleur joueur, il a créé tellement d’offensive mais on s’est retrouvé à perdre sur un but. Alors l’important c’est que tout le groupe soit concentré sur notre jeu défensif. Quand tu joues bien défensivement, les actions offensives vont se créer. J’ai vu ça dans toutes les franchises où je suis passé. »
« Il n’y aura rien de facile »
Qu’en est-il justement de ce rôle offensif plus élargi par rapport à son rôle plus compartimenté en NHL ? « C’est un bon challenge mais c’est aussi plus compliqué. Il faut que je récupère très vite des choses que je fais moins. J’ai accepté le contrat d’être moins créatif mais d’être beaucoup plus solide défensivement. C’est ce qui m’a permis de rester en NHL. » Antoine Roussel reconnaît aussi que si ses stats en bleu sont plus généreuses qu’en NHL, son style de jeu est le même qu’outre-Atlantique : « Tex et Bellemare ont une belle affinité, ils sont bons ensemble. Avec Stéphane, je lui ouvre plus d’espace, je travaille dans son sens, je lui récupère le puck et c’est plutôt lui qui crée l’offensive avec les opportunités qu’il a. Presque à chaque fois que j’ai été en équipe de France, j’ai eu du succès sur le plan offensif. J’ai la chance d’avoir de super joueurs avec qui on se complète bien avec Stéphane ou Pierre-Edouard. Ça explique pourquoi. Je ne crée pas nécessairement l’offensive, mais j’aide les gars qui crée l’offensive, en ouvrant des espaces, en rendant le match plus facile pour eux. C’est dans ces aspects-là que je suis le plus à l’aise. »
Pour autant, il admet aussi qu’il est partagé pour son premier tournoi entre excitation et fébrilité. « On a une mission à faire. C’est clair qu’il n’y aura rien de facile. Je ne suis pas un joueur qui fait la différence à lui tout seul, c’est ensemble qu’on devra aller chercher cette qualification. C’est l’équipe qui parviendra à avoir le plus de cohésion le plus rapidement qui ira au tournoi olympique. C’est intéressant à ce niveau-là : ça amène beaucoup de points d’interrogations, mais aussi des coups à jouer pour nous. Ça peut aller très vite: si nos unités spéciales font le travail et qu’on fait le moins d’erreurs possibles. »
Pour Antonin Manavian aussi « c’est les détails, les petites erreurs qui feront la différence. Des petits détails qui font qu’on ne va pas perdre le palet, être plus rapide, rester structurés dans notre système. » Et même si la France manque de repères, il n’oublie pas de rappeler que « ça fait longtemps qu’on a pas joué ensemble, mais on a un très bon groupe, une bonne ambiance. On n’avait pas autant de joueurs qui jouaient à l’étranger avant, on n’avait pas autant d’expérience. Un bon noyau avec des gars qui s’entendent bien. » En mode commando, il faudra réaliser l’exploit de 3 victoires en 3 matches. « J’adore les moments comme ça. Ça me booste encore plus. Dans les plays-offs ou dans les circonstances comme celles-ci, on a un but et on a un challenge qui fait qu’on peut accéder à des choses encore plus extraordinaires. » Des choses extraordinaires, c’est tout ce que nous leur souhaitons, car il faudra en effet des matches extraordinaires pour atteindre ce rêve olympique.