C’est maintenant ou jamais. L’équipe de France des années 2010 arrive au bout de son chemin. La qualification olympique ou… un remaniement massif ? Avec 15 joueurs sur 23 qui ont déjà perdu un tournoi de qualification olympique, et treize joueurs de 30 ans ou plus, le groupe de Philippe Bozon vit probablement sa dernière chance.
Un nouvel échec offrirait sans doute un séisme majeur à la fédération française, à l’équipe masculine, mais aussi un tsunami financier – les sports olympiques bénéficiant de bien plus de visibilité auprès du ministère…
Loin de ces considérations extra-sportives, les Bleus abordent surtout cette finale avec un sentiment de revanche : une dizaine d’entre eux ont vécu l’échec 2013 dans cette même arène. Pierre-Édouard Bellemare et Kévin Hecquefeuille disputent leur cinquième tournoi. Bellemare, qui a débuté en Bleu avec Christian Pouget, a d’ailleurs marqué en 2005, 2009 et 2013.
Philippe Bozon, lui, a connu les Jeux olympiques en tant que joueur – notamment en 2002, dernière apparition de la France. Il va devoir trouver la clé tactiquement face à un autre ancien joueur. Harijs Vitolins fut son adversaire sur la glace au Mondial 1999, ainsi qu’au tournoi de qualification olympique 2001 à Klagenfurt. À l’époque, les deux pays s’étaient qualifiés, mais ce ne sera pas possible ce soir. Vitolins, remplaçant au pied levé de Bob Hartley, décide de chambouler son alignement et de placer Balcers, Ķēniņš et Ābols ensemble sur le premier trio.
L’organisation lettone a ouvert le troisième étage au public. Masqué par d’immenses rideaux toute la semaine, cet étage augmente sérieusement la capacité de la Riga arena. On attend 8000 spectateurs et une ambiance bouillante…
Un rebond malchanceux
Les « Latvija! » résonnent dans une aréna pas complètement remplie – le protocole sanitaire d’entrée retarde bien des spectateurs jusqu’au deuxième tiers ! Les Bleus effectuent un bon pressing sur le porteur de palet dans ces premiers instants et s’efforcent de conserver la possession. On sent une certaine prudence des deux côtés…
Loin de subir, les Tricolores tentent leur chance, à l’image d’une accélération de Texier qui teste Punnenovs en tour de cage. Puis, Da Costa cherche le tir à son tour, et Fleury, servi en retrait, voit son lancer repoussé de la botte. En face, la pression monte sur Buysse, qui résiste sur sa ligne à une poussée à bout portant.
Thomas Thiry concède la première pénalité dans un duel contre la bande. Buysse reste encore solide sur sa ligne sur un rebond capricieux au fond, qui revient sous sa jambière. Les Lettons veulent pousser le palet, provoquant les premières échauffourées. Le gardien amiénois capte ensuite un tir de la bleue.
La France s’en sort parfaitement et Da Costa, lancé en contre, trouve Punnenovs après un joli slalom. Sur la présence suivante, la France prend de la vitesse dans la neutre et décoche encore deux lancers, dont un de Gallet avec écran de Tim Bozon.
Pourtant, la Lettonie va bénéficier d’un coup du sort. Treille, sous pression, veut donner à Manavian derrière son but avec l’aide de la balustrade, mais le palet prend un rebond capricieux et retombe sur Rikards Bukarts. Seul devant Buysse qui s’était mis au sol, le futur joueur de Vladivostok lève son palet (1-0).
1-0 for Latvia.
Rihards Bukarts finds the bouncing puck to open the scoring.
Big one for the Latvians. #Beijing2022 pic.twitter.com/eR8ThjkCzC
— Steven Ellis (@SEllisHockey) August 29, 2021
La France ne lâche pas. Une bonne défense de Gallet envoie Bertrand en deux contre un avec Manavian monté aux avant-postes. L’attaquant choisit le tir et Punnenovs contrôle. Le bras de fer continue. Ritz se rend coupable d’un contact trop intense derrière son but en renversant son opposant, et sort deux minutes à son tour.
Le groupe d’infériorité mené par Douay et Claireaux tient le choc. Buysse n’a qu’un arrêt de la botte à faire juste au retour au complet. Le forecheck bleu gêne la relance adverse. Bellemare harcèle Sotnieks, qui décoche un coup de coude : deux minutes de pénalité, à trente secondes de la pause. Ni Da Costa, ni Fleury ne cadrent sur ces quelques secondes. La Lettonie mène 1-0 à la pause, sans avoir du tout survolé son sujet, au contraire, gênée par l’échec-avant tricolore.
Buysse tient la France dans le match
La France reprend en supériorité… mais Chakiachvili tente une passe-abandon qui profite à Blugers. Seul devant Buysse, il lève trop son tir. Les Bleus se reprennent avec un premier tir sur la barre de Punnenovs, puis de multiples mouvements menés par Da Costa et Fleury.
Les joueurs de Philippe Bozon jouent vers l’avant et contraignent la Lettonie à reculer. Une longue relance pendant un changement de ligne permet à Tim Bozon de trouver Bertrand lancé dans l’axe mais son revers est au-dessus. En face, la Lettonie cherche les longues passes en profondeur. Ābols est servi et Crinon le gêne suffisamment pour que Buysse gèle le disque.
La France domine, et les mouvements se multiplient. Perret manque de peu de trouver Treille lancé dans l’axe… Mais attention, les contres lettons piquent ! Daugavins déboule en échappée, fixe Buysse qui lève sa jambière et sauve son camp d’un lancer de botte spectaculaire.
Pour nous consoler un temps soit peu…
Le "Save of the game" par @HCBuysse35, qui aura encore fait une prestation magistrale devant les buts tricolores 🇫🇷, bravo pour ces splendides prestations… pic.twitter.com/FwiljrNmMH— Nicolas Jacquet (@Nico_Jt_) August 29, 2021
Le portier s’impose aussi sur un palet cafouillé par Crinon, avec l’aide du poteau. Sur cette action, Claireaux, à la bagarre sur le rebond, concède deux minutes. Douay et Bozon effectuent un travail remarquable en infériorité, bloquant les tirs et repoussant le jeu en zone adverse : Buysse n’aucun arrêt à faire, avant le retour au complet et un sauvetage sur Rubins lancé dans le dos de la défense.
La France repart, Fleury chauffe la mitaine de Punnenovs de l’aile droite. Mais le danger monte sur Buysse, à nouveau intraitable sur sa ligne à deux reprises, de loin comme de près. Malmenés sur ce temps fort letton, les coéquipiers de Bellemare soufflent enfin sur une crosse haute de Rubīns.
Cette fois, le jeu de puissance a toutes les peines du monde à s’installer. Les deux minutes s’écoulent et la Lettonie manque de filer en échappée, mais Fleury revient de nulle part pour voler le palet, relancer et envoyer Da Costa en attaque. L’attaquant de KHL est mis au sol et Čukste concède deux minutes.
Le deuxième groupe fait tourner mais ni Texier, ni Rech ne cadrent leurs tirs. Le premier s’installe aussi, et Roussel ne parvient pas à pousser le rebond de la volée de Bellemare. La Lettonie survit et repart à l’attaque.
Freibergs, de la bleue, contraint Buysse à un arrêt difficile, avec Ābols devant lui. Le rebond est dégagé. Les Bleus, portés par un Gallet de très haut niveau, relancent. Texier tente sa chance du cercle gauche, et Bertrand se démène sur le rebond, sans réussite. Avec un ultime tir de Rikards Bukarts repoussé par Buysse, la sirène retentit : 1-0 Lettonie, un public qui se mord les ongles.
Da Costa redonne espoir
Les Bleus reprennent avec un but de retard, et Philippe Bozon commence à modifier ses alignements, avec doubles présences de ses cadres, tel Da Costa aux côtés de Treille et Perret à la place de Ritz.
La tension est à son comble : Buysse sauve un tir lointain dévié par une crosse de Balcers, finalement jugée trop haute. Les occasions se font rares, mais Bault est ensuite puni dans la neutre pour crosse haute.
C’est le moment choisi par le vétéran Indrasis pour faire la différence : l’ailier aux 464 matchs de KHL et 62 matchs au Mondial percute, enfonce la défense et son revers échappe à Buysse sous son bras (2-0).
Latvia makes it 2-0 and that might be it.
Miks Indrasis on the man advantage. That's huge. #Beijing2022 pic.twitter.com/CFDeXhIW9j
— Steven Ellis (@SEllisHockey) August 29, 2021
La difficulté de la mission s’aggrave donc, et les Bleus prennent possession du palet, sans parvenir à menacer Punnenovs – les tirs lointains et hauts de Bozon, puis Crinon, ne l’inquiètent guère.
Il reste neuf minutes lorsque Stéphane Da Costa relance les Bleus. Alors que Texier est accroché dans son camp avec un adversaire, le buteur français relance plein axe, fixe son défenseur et décoche un laser imparable mi-hauteur (2-1). C’est le premier but encaissé par Punnenovs après 170 minutes dans le tournoi.
Les Bleus, frénétiques, poussent : Bozon tire, Rech prend le rebond pour un double arrêt du gardien de LNA. Une nouvelle attaque en mouvement place Chakiachvili en retrait mais le trafic devant le gardien dévie le tir au dessus.
Les minutes défilent et les Bleus font le jeu, avec difficulté dans une zone adverse bien verrouillée. Hecquefeuille, puis Bozon cherchent à traverser l’écran mais Punnenovs bloque devant un Rech à l’affût.
La France pousse encore et à 57’56, Fleury est accroché en zone offensive : deux minutes contre le capitaine Blugers. Da Costa tente un premier tir, repoussé et dégagé. Buysse sort à 1’20 du terme pour l’entrée de Texier. La France campe dans la zone, cherche les lignes de tir, mais décoche trop peu. Un temps mort letton est appelé à 10,6 secondes du terme.
Mais le dernier essai de Da Costa est contré : la Lettonie file à Beijing.
La France échoue donc encore une fois dans son entreprise. Les Bleus auront rendu une copie séduisante, par leur combativité et leur solidarité. Les valeurs cardinales de l’équipe de France ont été au rendez-vous : tous les joueurs ont contribué à leur échelle dans le sacrifice défensif, et produit du jeu en attaque. Ils auront regardé les yeux dans les yeux le dixième mondial. Mais encore une fois, cela n’a pas suffi. La Lettonie, elle, retrouve les Jeux, huit ans après.
Désignés joueurs du match : Henri-Corentin Buysse (France) et Jānis Jaks (Lettonie)
Meilleur gardien et meilleur joueur du tournoi : Ivars Punnenovs (Lettonie)
Meilleur défenseur : Florian Chakiachvili (France)
Meilleur attaquant : Ronalds Ķēniņš (Lettonie)
Commentaires d’après-match :
Philippe Bozon (entraineur de la France) : « C’était un match serré, avec des batailles rudes. Nous attendions une Lettonie rapide dès le début du match et nous avons tenté de ralentir le jeu pour laisser passer l’orage. Nous avons fait un bon travail sur ce plan. Nous sommes battus par un rebond chanceux, par la balustrade… le palet qui retombe sur la crosse d’un de leurs attaquants. Nous avons travaillé dur même à 2-0, personne ne voulait lâcher. Nous avons eu un but mais ce n’a pas suffi. Les dieux du hockey ont choisi leur rebond…
Je pense effectivement que c’est le meilleur match… Il faut remonter depuis longtemps. Tout le monde était prêt à mourir sur la glace. Je peux vous dire qu’actuellement c’est très, très, très difficile dans le vestiaire, les joueurs sont effondrés. Les plus anciens, c’est très dur pour eux. C’est un moment très difficile, mais je leur ai dit que j’étais fier d’eux, fier de leur match. Il n’y a pas de regret… Enfin si, mais pas de l’effort, pas de l’attitude des joueurs, pas de ce qu’ils ont montré sur la glace. Le regret c’est le score. C’est un puck qui tape le plexi sur la crosse d’un Letton…
Cela fait un moment que je veux essayer de leur donner à certains joueurs le niveau international, parce que je pense qu’ils ont le niveau. Je pense qu’on n’a pas assez parlé de Romain Bault dans ce tournoi. Pour moi, il a été l’un des meilleurs défenseurs sur les trois matchs. Il joue simple, c’est un vrai guerrier, il a le patinage de niveau international, il l’a montré ce soir. Et d’autres… Mais cela ne change pas le résultat. Maintenant, il va falloir voir ce qui va se passer dans le futur de l’équipe de France. Parce qu’il y a sûrement des joueurs qui ont tourné une page ce soir. On essayait à la fois aussi, depuis ma prise de fonction, de donner du temps de jeu à des jeunes, pour préparer ça. On va sûrement être là dans les prochains mois.
On savait qu’on avait un challenge, cette équipe n’a pris qu’un but en infériorité numérique dans ses derniers 25 matchs, contre le Kazakhstan aux Mondiaux. C’est la meilleure équipe, ils ont un pourcentage incroyable. On savait que ça allait être compliqué. Malgré tout, le puck a bien circulé, mais on a eu moins de succès dans les lignes de shoot, pour qu’il arrive dans de bonnes conditions. Il faut donner le crédit à l’équipe lettone, qui elle aussi a sorti un gros match, énorme en infériorité devant son gardien. Cette nation a quatre gardiens de niveau international.
À cette génération qui a compté dans la dernière décennie, en tant qu’ancien joueur de l’équipe de France, porter ce maillot… Je sais ce que ça demande, je les ai remerciés au nom de l’équipe de France, de toute l’histoire de l’équipe de France, d’avoir tant apporté, d’avoir mis toute leur énergie pour ce maillot si important… d’avoir fait perduré l’état d’esprit. Juste un grand merci qu’on leur adresse ce soir. L’amertume, c’est que c’est un merci mais pas de récompense pour eux. C’est ça qui fait le plus mal, et à moi aussi. Ils ont donné pendant des années, eu des résultats incroyables et ces gars ne verront pas les Jeux. Je vous assure que c’est terrible, et vivre le vestiaire ce soir c’est très dur. »
Lettonie – France 2-1 (1-0, 0-0, 1-1)
Tournoi de qualification olympique, groupe E.
Dimanche 29 août 2021, 15h30. Arena Riga. 7954 spectateurs.
Arbitrage de Mikko Kaukokari (FIN) et Maksim Sidorenko (BLR) assistés de Lauri Nikulainen (FIN) et Dmitry Shishlo (RUS)
Pénalités : Lettonie 8′ (2′, 4′, 2′), France 8′ (4′, 2′, 2′)
Tirs : Lettonie 26 (9, 11, 6), France 30 (9, 8, 13)
Récapitulatif du score :
1-0 à 10’56 : R. Bukarts
2-0 à 45’50 : Indrašis assisté de Bļugers et Balinskis (sup. num.)
2-1 à 51’15 : S. Da Costa
Lettonie
Attaquants :
Rūdolfs Balcers (-1) – Rodrigo Ābols (-1) – Ronalds Ķēniņš (-1)
Lauris Dārziņš (A) – Miks Indrašis – Zemgus Girgensons (A)
Roberts Bukarts – Teodors Bļugers (C, 2′) – Kaspars Daugavins
Rihards Bukarts (+1) – Deniss Smirnovs – Renārs Krastenbergs (+1)
Andris Džeriņš (+1)
Défenseurs :
Kristiāns Rubīns (2′, -1) – Uvis Balinskis (-1)
Oskars Cibuļskis (+1) – Jānis Jaks
Kristaps Sotnieks (2′) – Ralfs Freibergs (+1)
Kārlis Čukste (2′)
Gardien :
Ivars Punnenovs
Remplaçant : Mareks Mitens (G). En réserve : Artūrs Šilovs (G), Sandis Smons, Martins Dzierkals.
France
Attaquants :
Damien Fleury (C, +1) – Stéphane Da Costa (+1) – Antoine Roussel
Alexandre Texier (+1) – Pierre-Édouard Bellemare (A) – Tim Bozon
Anthony Rech – Valentin Claireaux (2′) – Charles Bertrand
Jordann Perret (-1) – Nicolas Ritz (2′, -1) – Sacha Treille (A, -1)
Floran Douay
Défenseurs :
Florian Chakiachvili – Romain Bault (2′)
Antonin Manavian – Hugo Gallet
Pierre Crinon – Thomas Thiry (2′)
Kevin Hecquefeuille
Gardien :
Henri-Corentin Buysse
Remplaçant : Florien Hardy (G). Réservistes : Sebastien Ylönen (G), Vincent Llorca (D), Eliot Berthon (A).