Trois ans et une pandémie plus tard, la finale de Coupe de France fait enfin son retour à Paris et fait le plein (hormis les trous dans les places VIP et les places sans visibilité non vendues dans les coins supérieurs) : 13 877 spectateurs, exactement le même chiffre que Rouen-Amiens en 2020. L’affiche est un derby inédit du Dauphiné. Battus en prolongation par Angers l’an passé à Cergy, les Gapençais reviennent dans cette Accor Arena où ils avaient perdu leur première finale face à Lyon en 2018. Mais ils se retrouvent face à un très gros morceau, le favori et leader du championnat Grenoble.
Sur un match tout est possible et c’est la magie de la coupe. Gap avait infligé aux Brûleurs de Loups leur première défaite en championnat fin septembre (2-1 en prolongation). Mais depuis, les Rapaces ont été nettement battus deux fois à Pôle sud. Ils semblent aussi bien moins fringants ces derniers temps et restent sur trois défaites consécutives en Ligue Magnus, dont un cinglant 2-8 à domicile mardi contre l’autre cador Rouen. Présent en tribune ce jour-là, Eeto Pasovaara (arrivé de Nice) a été officialisé jeudi comme joker de Gap pour pallier l’absence de Paul Joubert.
Gap entre pleinement dans sa finale. Les premières contre-attaques rapides le démontrent déjà. Le premier but arrive rapidement, et il faut souligner que c’est le quatrième trio gapençais qui l’amène par son gros effort dans les bandes pour porter la possession en zone offensive, même si c’est la première ligne qui finit le travail. Romain Gutierrez passe du coin en retrait pour Fabien Bourgeois – protégé par une grille aujourd’hui – qui s’avance à mi-distance et place un tir croisé sous la plaque de Jakub Stepanek (1-0).
Après neuf minutes de jeu, Louis Cirgues dégage un palet par dessus du plexi. Pendant cette prremière infériorité numérique, Julian Junca doit effectuer un arrêt important de la botte gauche sur un slap de la ligne bleue de Kyle Hardy. Mais face à la présente de plus en plus imposante de Poukkula dans le slot, il finit aussi par déplacer sa cage de ses gonds. Une nouvelle pénalité débute donc au moment où l’autre s’achevait, mais Gap y bloque tous les palets et n’est jamais en danger.
Le favori grenoblois n’en reste là et enchaîne par un temps fort à 5 contre 5. La plus belle action survient au quart d’heure de jeu quand un tir rasant de Sacha Treille est dévié de justesse sous les bottes de Junca et passe d’un rien à côté du poteau. Mais Kyle Hardy prend une pénalité en zone offensive sur l’action (accrocher). En avantage numérique, Julien Correia et ses collègues font passer quelques moments chauds devant la cage des blancs. Gap passe une fin de tiers plus tranquille et rejoint les vestiaires en avance.
On s’attend à une grosse réaction des Brûleurs de Loups après la pause, mais c’est Gap qui marque de nouveau. Eetu Paasovaara reprend un centre de Julien Correia et s’aperçoit soudain comme tout le public que la cage n’est plus à sa place ! Le gardien Jakub Stepanek l’a déplacée en prenant appui sur le poteau lors de la passe. Mais les arbitres vont consulter la vidéo qui montre que le palet a franchi la ligne normale du but : ils valident donc automatiquement le but (2-0).
Une minute plus tard, Dylan Fabre est parfaitement servi deux mètres devant le but par Damien Fleury, mais son tir rasant est repoussé de la botte droite par Julian Junca. Le vétéran Damien Fleury n’a pas perdu sa vitesse et s’échappe en dépassant le défenseur Chad Langlais, qui plonge et contre le palet mais part en prison pour avoir fait trébucher l’attaquant. Sans conséquence. À l’instar de Correia qui surgit pour contrer une passe devant Fabre, le boxplay gapençais domine pour l’instant son sujet.
Il est néanmoins dangereux d’accumuler les fautes face au talent offensif des Brûleurs de Loups. Si les pénalités sont simultanées pour Cirgues et Aubin après un échange de rudesses dans le coin, les arbitres sifflent un cinglage sur le gardien. Cette fois le powerplay blanc se développe et Aurélien Dair dévie victorieusement le palet face au but (2-1, photo ci-dessus). La tribune grenobloise, bien silencieuse, commence à se réveiller.
Le buteur Dair devra malheureusement quitter la glace, blessé à deux minutes et demie de la pause : alors qu’il s’impose encore physiquement dans le slot, c’est lui qui renverse Faure… qui retombe sur sa jambe gauche et la plie. Cette blessure n’arrête pas la pression de Grenoble, très forte à ce moment du match. Mais Julian Junca, notamment en déviant du gant un puissant lancer croisé de Sacha Treille, permet à son équipe de mener encore au score à la pause. Gap subit quand même nettement le jeu depuis la mi-match.
L’élan grenoblois en début de troisième période est vite brisé par une pénalité de Maxim Lamarche (accrocher). Dimitri Thillet se procure les deux meilleures occasions sur cet avantage numérique : un tir à mi-distance bien vu et capté par la mitaine de Stepanek, puis une déviation à bout portant, bloquée avec la même assurance par le gardien tchèque.
Peu après le retour à cinq, Grenoble se rue à l’attaque et provoque une faute de Kevin Altidor (accrocher) au passage de la ligne bleue. Le désavantage numérique est doublé par un retard de jeu gapençais los de l’engagement. À 5 contre 3, le tir de Damien Fleury heurte Sébastien Rohat qui se couche mais ne fait que dévier le palet qui entre quand même dans les filets (2-2). La double peine car Rohat s’est sans foute fêlé le bras sur l’action ! On réengage à 5 contre 4 et Markus Poukkula dévie en cage ouverte le service de Joël Champagne (2-3). Plus de 48 minutes d’efforts gapençais ont été anéantis en l’espace de 27 secondes !
En configuration défensive depuis le premier but, Gap n’a d’autre choix que de mettre la pression en zone offensive. Les Rapaces y parviennent remarquablement. À moins de sept minutes de la fin, Bostjan Golicic a le but grand ouvert sur son revers mais manque mollement ce palet d’égalisation tout fait ! Sacha Treille est pénalisé (faire trébucher) dans la continuité de l’action mais Grenoble parvient à défendre cette dernière pénalité ne laissant que des tirs en angle.
Éric Blais utilise son temps mort à 1’45 de la fin et sort son gardien. L’efficacité aux mises au jeu de Joël Champagne est précieuse à cet instant pour priver Gap de la possession même si les Brûleurs de Loups ne se sortent jamais totalement de la pression. Derrière eux, leurs supporters égrènent les secondes jusqu’à la délivrance : Grenoble remporte la Coupe de France !
Le scénario du match la rend sans doute plus belle car les favoris ont mis du temps à asseoir leur domination face à des Gapençais au plan de jeu bien appliqué. Meilleure équipe du pays en infériorité numérique, Gap a fini par craquer avec l’accumulation des efforts. Inefficace à 5 contre 5, Grenoble aura donc construit son succès sur son jeu en supériorité numérique, pourtant pas dominant en championnat. Cela ne fera que renforcer les discussions sur l’arbitrage après le match, tel un Chad Langlais véritablement furibond après la sirène (photo ci-dessous).
Désigné MVP du match : Nicolas Deschamps (Grenoble).
(photos d’Emmanuel Giraudeaux)
Commentaires d’après-match
Jyrki Aho (entraîneur de Grenoble, photo de droite) : « C’était vraiment un match difficile. On encaisse le premier but assez vite. Au deuxième tiers-temps, on a surtout été en difficulté mentalement, c’était un défi pour notre esprit d’équipe, mais notre jeu était meilleur. La situation de 5 contre 3, on l’a pratiquée à l’entraînement et on a fait exactement comme prévu. C’est un grand but, immédiatement suivi d’un autre. Les grandes victoires sont toujours tendues à la fin. On était prêt à tout pour vivre ces moments. Gap a fait un bon match humble. La vie n’est pas toujours juste, ils perdent deux fois de suite en finale, c’est dur pour eux. »
Aurélien Dair (attaquant de Grenoble) : « Je ne me rends pas très bien compte, c’est vrai que mon but débloque un peu la situation. J’ai encore mal, heureusement que j’ai pris des médicament et qu’on a gagné, sinon je ne serai pas là du tout [sur la glace pendant la célébrations]. On perdait 0-1 et 0-2 mais on savait qu’on pouvait gagner. En troisième période, on a été très forts. Là, je veux juste me reposer, j’ai envie de faire la fête avec toute l’équipe et les fans qui sont là. »
Sacha Treille (attaquant de Grenoble) : « Il y a toujours une part de doute quand on est menés 0-2. Avec l’expérience, on apprend qu’un match n’est jamais fini. Les scénarios, je les ai tous vus dans ma carrière. On sait qu’on peut tourner un match en mettant du trafic devant le but. »
Damien Fleury (attaquant de Grenoble, photo ci-dessus) : « Ils sont bien entrés dans le match, on s’est peut-être mis un peu trop de pression. À 2-0, ce n’était pas évident, je suis sûr que plein de monde nous voyait perdants. Nous, on y a cru, on sait de quoi on est capables. Ce sont des émotions incomparables. C’est une finale de coupe, ce n’est pas évident de renverser la situation. Honnêtement, c’est dans le top-3 des trophées que j’ai gagné, le match 7 de la finale 2019 à Rouen étant tout en haut. Cela fait de l’expérience pour les jeunes de soulever ce trophée, l’avenir est devant eux. »
Sébastien Oprandi (manager de Gap, photo de droite) : « Deux sentiments se mêlent. Il y a une fierté par rapport au groupe, on s’était promis de ne pas avoir de regrets et on n’en a pas par rapport à notre jeu. Il y a aussi beaucoup de déception, de frustration. Un joueur disait qu’on nous laisse pas le droit de rêver, en référence à la qualité de l’arbitrage. Le problème est plus haut. On est dans l’amateurisme le plus total dans l’arbitrage français. Je répète à la FFHG qu’il faut ouvrir ce sujet. Match plus important, impact plus important. Je n’en veux pas aux arbitres, ils ont besoin d’être accompagnés. C’est un métier pas évident, personnellement je ne serai pas capable de le faire. Grenoble est une très bonne équipe, elle a fait preuve de caractère, donc cela n’enlève rien à leur victoire. On est frustré parce qu’on n’arrive pas à comprendre. On fait un surnombre au début, ils laissent passer. Au début de match, ils laissent jouer, la première pénalité est automatiquement sifflée puisque c’est un dégagement hors zone. Les joueurs cherchent à s’ajuster mais ne savent pas ce qui sera sifflé ou pas. Chad prend une pénalité alors qu’il enlève le palet [à Fleury]. Gutierrez a tapé le palet, qui était jouable. On est dans une zone grise, dans le slot, où les deux arbitres ont droit de siffler. C’est l’arbitre derrière la cage qui siffle cette pénalité alors qu’il ne voit pas le palet qui est jouable, ils n’osent pas se parler. Quant au retard de jeu, c’est la première fois de la saison qu’on nous siffle cette faute. On a besoin de plus de dialogue. Les arbitres ne nous ont pas parlé avant le match, alors qu’ils étaient venus le faire l’an passé avant la finale, ce qu’on avait apprécié. »
Gap – Grenoble 2-3 (1-0, 1-1, 0-2)
Dimanche 29 janvier 2023 à 15h00 à l’Accor Arena de Paris-Bercy. 13877 spectateurs.
Arbitrage de Pierre Dehaen et Geoffrey Barcelo assistés de Jérémie Douchy et Clément Goncalves.
Pénalités : Gap 14’ (4’, 6’, 4’), Grenoble 10’ (2’, 4’, 4’)
Tirs : Gap 13 (2, 4, 7), Grenoble 36 (14, 11, 11).
Évolution du score :
1-0 à 05’34 : Bourgeois assisté de Gutierrez et Pasovaara
2-0 à 23’13 : Pasovaara
2-1 à 34’56 : A. Dair assisté de Deschamps et Poukkula (sup. num.)
2-2 à 48’46 : Fleury assisté de Deschamps (double sup. num.)
2-3 à 49’12 : Poukkula assisté de Champagne et Deschamps (sup. num.)
Gap
Attaquants :
77-82-27 Julien Correia – Romain Gutierrez (C) – Eetu Pasovaara
96-38-51 Olegs Sislannikovs – Bostjan Golicic (A) – Egor Gainetdinov
47-15-72 Dimitri Thillet – Axel Tarabusi – Loïc Coulaud
93-85-23 Kévin Altidor – Sébastien Rohat – Lucas Colombin
Défenseurs :
3-7 Valtteri Meisaari (2’) – Chad Langlais
6-74 Arnaud Faure – Fabien Bourgeois (A)
65-9 Yohan Coulaud – Louis Cirgues
Gardien :
33 Julian Junca [sorti à 58’15]
Remplaçant : Jimmy Darier (G). Absent : Paul Joubert.
Grenoble
Attaquants :
77-64-3 Sacha Treille – Joël Champagne (C) – Aurélien Dair
78-17-10 Dylan Fabre – Nicolas Deschamps (A) – Damien Fleury (A)
63-92-11 Markus Poukkula – Quinton Howden – Brent Aubin
23-18-12 Flavian Dair – Adel Koudri – Julien Munoz
Défenseurs :
4-58 Kyle Hardy – Maxim Lamarche
21-50 Bobby Raymond – Jere Rouhiainen
72-5 Pierre Crinon – Lucien Onno
Gardien :
30 Jakub Stepanek
Remplaçants : Raphaël Garnier (G), Alexandre Pascal. Absents : Janne Jalasvaara (genou).