Le match de ce soir était coché comme la clé de ce groupe B. Pour beaucoup, la Lettonie poussée par son public avait les moyens de renverser une Slovaquie fragilisée et affaiblie pour s’ouvrir l’accès à un quart de finale à domicile.
En plus, et aussi surprenant que cela paraisse, la Lettonie – pourtant inférieure dans la hiérarchie mondiale – est la seule équipe que la Slovaquie n’ait jamais battue dans un championnat du monde élite. Les Baltes ont gagné leurs trois confrontations (en 1993, 2013 et 2017), même si les Slovaques mènent au bilan olympique (3 victoires et un nul).
Mais la première journée a un peu tempéré ce raisonnement rapide. Les Slovaques ont fait trembler leurs voisins tchèques (2-3), alors que les Baltes ont été balayés par le Canada (0-6).
Le gardien constitue un point d’attention pour les deux formations. Parmi les trois gardiens slovaques débutants, Stanislav Škorvánek a passé le cap de la nervosité initiale et a été confirmé titulaire par Craig Ramsey. Après le départ raté de Punnenovs hier, la Lettonie refait confiance à celui qui l’a remplacé, le jeune Arturs Silovs qui s’était déjà révélé l’an passé. Le mythique Arturs Irbe avait précisé que c’était prévu dès le départ, non sans complimenter l’attitude du malheureux Punnenovs.
La lourde défaite d’hier n’a pas tempéré les supporters lettons, bien au contraire. La présence rivale de nombreux Slovaques dans les tribunes les pousse encore plus à donner de la voix. Mais exactement comme hier, la douche froide arrive dès la première minute de jeu ! Arrivant sur un palet envoyé en fond de zone, Janis Jaks veut l’envoyer fort dans la balustrade mais il ne va pas bien loin. Peter Cehlárik hérite de ce puck et signe une superbe passe aveugle dans son dos, surprenant Deniss Smirnovs qui quitte bien naïvement sa couverture du poteau, pour le tir croisé de Matúš Sukeľ, côté mitaine (1-0).
Jaks est bien près de commettre une seconde erreur fatale en contrôlant mal un palet près de sa cage, offrant une seconde occasion à Sukeľ qui centre pour la déviation à bout portant de Regenda. Le jeune Arturs Silovs est à la parade cette fois, mais il n’est pas totalement rassurant. Sa mitaine touche deux slaps de Rosandic mais les laisse échapper sans les capter. Le gardien des Canucks de Vancouver couvre quand même bien son poteau quand Cehlárik résiste à une charge d’Abols dans la bande et vient le tester.
La Slovaquie monopolise la rondelle, même si la Lettonie réussit une jolie contre-attaque à la douzième minute : la passe verticale de Kristaps Zile relayée par Miks Indrasis à la ligne bleue envoie Roberts Bukarts seul vers la gauche du but. Škorvánek rabat sa mitaine in extremis sur le tir croisé, le palet rebondit sur la glace dans son dos et passe à côté du but.
Les vagues bleues déferlent de plus belle. Le gant de Silovs laisse encore échapper un tir ouvert de Cehlárik, un mauvais rebond qui offre une possibilité de doublé à Sukeľ : son tir touche le bâton du gardien – miraculé ! – puis la transversale (image ci-dessus). La Lettonie est finalement contente de rentrer aux vestiaires à seulement 1-0…
Les Baltes abordent le deuxième tiers-temps avec des lignes légèrement modifiées (permutation des centres Abols et Smirnovs) l’envie de faire meilleure figure. Une crosse haute de Libor Hudáček en zone offensive (image ci-dessus) pourrait pénaliser la Slovaquie, mais après des pertes de palet de Jaks et d’Abols, Viliam Čacho va faire un énorme travail de pressing au fond du camp local. On ne compte donc qu’un tir en angle de Dzierkals pendant ces deux minutes. La meilleure occasion lettone survient à égalité numérique, une subtile déviation de Kenins qui passe de peu à côté du poteau.
Les bleus sont toujours bien plus menaçants. La mitaine de Silovs repousse encore – toujours sans capter le palet – un tir de Cehlárik, sur passe de derrière la cage de Hudáček. À la mi-match, les interventions défensives d’Oskars Cibulskis puis de Janis Jaks empêchent deux situations de 2 contre 1 d’aboutir (la première est issue d’une charge sur Freibergs et la seconde d’une collision Cibulskis/Abols en zone offensive). Cukste et Dzerins empêchent aussi Regenda de profiter d’un rebond en cage ouverte.
Oliver Okuliar – un des joueurs-clés de l’infériorité numérique slovaque – part en prison pour avoir continué de jouer avec une crosse cassée (sans qu’il s’en rende compte). Ce second avantage numérique balte est bien meilleur que le premier. Une déviation d’Abols est contrée par la jambe de Grman et le tir de Roberts Bukarts est repoussé par Škorvánek, qui réussit surtout un arrêt-réflexe exceptionnel du bâton sur un rebond de Kenins avec la cage ouverte.
Okuliar revient sur la glace, participe à une installation en zone offensive… et perd le palet sous la pression de Rodrigo Abols. Le centre letton s’échappe en solitaire et enchaîne un petit mouvement du revers vers la gauche avec un tir fulgurant à mi-hauteur côté plaque (1-1). Son explosion de joie est communicative. La confiance a changé de camp et la Lettonie a un regain d’énergie avec le soutien de son public.
L’ambiance est évidemment électrique en troisième tiers-temps, les supporters des deux camps s’époumonent toujours. Tout peut basculer d’un côté ou de l’autre. Oskars Batna envoie Miks Indrasis vers ce qui semble un 2 contre 1 parfait avec Roberts Bukarts… mais Alex Tamáši réussit un formidable retour défensif pour contrer la passe in extremis. Peu après, un trou d’air de Janis Jaks en zone neutre ouvre le couloir central vide à Libor Hudáček qui se présente seul face à Silovs… mais se voit enlever le palet d’un bon poke-check (image ci-dessus).
Arturs Silovs est alors à plus de 96% d’arrêts. Mais après un très gros travail de Richard Pánik pour entrer en zone et conserver le palet, le slap puissant de Patrik Koch force le gardien de Vancouver à un rebond dont profite Marek Hrivík avec la cage grande ouverte (2-1, image ci-dessus).
À six minutes de la fin, Mario Grman fait obstruction sur Oskars Batna pour lui barrer l’accès du but. À 5 contre 4, le slap puissant de Roberts Bukarts provoque un rebond et Škorvánek perd de vue le palet qu’Andris Džeriņš envoie… sur le poteau (image ci-dessous).
La Lettonie est toute proche de prendre un surnombre parce que Martins Dzierkals, une jambe par-dessus la balustrade (!), arrête le jeu en touchant le palet alors qu’il est censé être sur le banc. Les arbitres se consultent et sont indulgents. L’engagement est donné dans le rond central, Peter Cehlárik va au pressing et fait un croc-en-jambe à Balinskis derrière la cage adverse. Une pénalité bête qui laisse la Lettonie à 5 contre 3 pendant une minute. Le triangle Ivan-Koch-Sukeľ est magistral dans cette situation de jeu, notamment le joueur de centre qui gagne la mise au jeu puis coupe les lignes de passes et ressort encore le palet. On revient à 5 contre 5 après une dernière interception de Regenda qui n’est pas loin de signer une passe décisive pour Tamáši.
La tension monte encore avec une explication derrière la cage slovaque. Daugavins s’en prend à Koch et, dans la mêlée, Hudáček vient attraper Batna au cou. L’ailier slovaque a vraiment mal choisi son adversaire pour une bagarre, le géant letton le met rapidement au sol. Comme ils sont tous deux envoyés en prison (l’instigateur Daugavins passant entre les mailles du filet), on joue à 4 contre 4, ce qui avantage la Lettonie qui a une meilleure option pour sortir son gardien.
Dans la dernière minute, les joueurs baltes se précipitent et cafouillent techniquement, mais un dégagement interdit slovaque leur donne une mise au jeu en zone offensive. Ils poussent jusqu’à la fin et un ultime lancer de Rihards Bukarts masqué par Batna fait sauter la crosse de Škorvánek à trois secondes de la fin (image de gauche)… mais pas trembler les filets.
Après la poignée de mains et l’hymne slovaque, les « Slovensko » résonnent dans l’Arena Riga qui se vide. Les supporters lettons encore présents applaudissent eux aussi leurs joueurs, malgré la défaite. Tout le monde a le sentiment d’avoir tout donné dans une soirée très riche en émotions. Les deux équipes ont maintenant un jour de repos pour s’en remettre.
Désignés joueurs du match : Stanislav Škorvánek pour la Slovaquie et Artūrs Šilovs pour la Lettonie.
Commentaires d’après-match :
Pavol Regenda (attaquant de la Slovaquie) : « Je me sentais fatigué ce matin parce que c’était un match dur contre les Tchèques et que personnellement je n’avais pas joué depuis longtemps. Mais dans une telle atmosphère, c’est plus facile. Nous étions meilleurs sur l’ensemble du match, même s’il y a eu des pauses. Nous avons eu beaucoup d’occasions, moi inclus. Nous avons eu trois 2-contre-1 mais nous n’avons même pas tiré. Même Craig [Ramsay] nous dit que nous devons tirer parce que nous offrons beaucoup le palet. »
Stanislav Škorvánek (gardien de la Slovaquie, image de droite) : « Je me suis senti mieux que contre les Tchèques. Je savais où j’allais, c’était moins un saut dans l’inconnu. Je savais qu’il y aurait beaucoup de monde dans les tribunes. Le premier tiers a encore été difficile, je recevais moins de tirs que dans notre championnat et je devais m’y habituer. Mes coéquipiers m’ont aidé, ils ont bloqué beaucoup de tirs. Ce but en troisième période était important, ol est arrivé à un moment où l’équipe allait moins bien qu’en première période. Hier nous étions la meilleure équipe et nous avons perdu. Aujourd’hui c’est revenu en notre faveur. »
Kristaps Zile (défenseur de la Lettonie) : « Tout le monde avait conscience de l’importance du match. On ne le sait pas encore, mais c’était peut-être le match le plus important de tout le tournoi. Mais rien n’est fini. Nous devons garder la tête haute, analyser nos erreurs et passer à la suite. Nous nous sommes préparés au match comme il faut. Je ne sais pas si c’est de la chance ou quoi… C’est dur de commencer le match à 0-1. On a rebondi. C’est comme si ça ne faisait pas de différence si on encaisse un but au tout début ou à la dixième minute. »
Harijs Vītoliņš (entraîneur de la Lettonie) : « Sentiments mitigés. Bien sûr, le hockey sans erreurs est impossible. Le dévouement et la discipline étaient à un très haut niveau. Nous n’avons jamais arrêté de travailler. Il y a eu un manque de sang-froid dans certaines situations. Mais je comprends comment c’est quand le public est derrière vous. Le problème est la prise de décision. Dans un match comme ça, à 5 contre 3, il faut décider du sort du match. Les combinaisons jouées à l’entraînement ne sont pas sorties, peut-être que nous les préparions trop longtemps. Nous devons être prêts pour le match contre les Tchèques. C’est un challenge, nous avons perdu contre les Slovaques, nous devons battre les Tchèques. »
Slovaquie – Lettonie 2-1 (1-0, 0-1, 1-0)
Samedi 13 mai 2023 à 20h20 à l’Arena Riga. 8930 spectateurs.
Arbitres : Christoffer Holm (SUE) et Liam Sewell (GBR) assistés de Nick Briganti (USA) et Andreas Weise Krøyer (DAN).
Pénalités : Slovaquie 10′ (0′, 4′, 6′) ; Lettonie 2′ (0′, 0′, 2′).
Tirs : Slovaquie 29 (15, 6, 8) ; Lettonie 28 (8, 11, 9).
Évolution du score :
1-0 à 00’44 : Sukeľ assisté de Cehlárik
1-1 à 36’51 : Abols
2-1 à 50’04 : Hrivík assisté de Koch et Pánik
Slovaquie
Attaquants :
Miloš Kelemen (+1) – Marek Hrivík (C, +1) – Richard Pánik (+2)
Peter Cehlárik (A, +1, 2′) – Matúš Sukeľ (A, +1) – Libor Hudáček (4′)
Pavol Regenda – Alex Tamáši – Martin Chromiak
Oliver Okuliar (-1, 2′) – Viliam Čacho (-1) – Róbert Lantoši (-1)
Défenseurs :
Samuel Kňažko (+1) – Patrik Koch (+1)
Michal Ivan (+1) – Mário Grman (2′)
Adam Jánošík – Mislav Rosandič
František Gajdoš (-1)
Gardien :
Stanislav Škorvánek
Remplaçant : Samuel Hlavaj (G). Réserviste : Dominik Riečický (G).
Lettonie
Attaquants :
Toms Andersons (-1) – Rodrigo Ābols (A) [puis Smirnovs à 20′] – Kaspars Daugaviņš (C, +1)
Ronalds Ķēniņš (-1) – Deniss Smirnovs (-1) [puis Abols à 20′] – Rudolfs Balcers (-1)
Roberts Bukarts (A) – Oskars Batņa (2′) – Miks Indrašis
Rihards Bukarts – Andris Džeriņš – Mārtiņš Dzierkals
Défenseurs :
Kristaps Zīle (+1) – Uvis Jānis Balinskis
Jānis Jaks (-1) – Roberts Mamčics (-1)
Ralfs Freibergs – Kārlis Čukste
Oskars Cibuļskis (-1)
Gardien :
Artūrs Šilovs [sorti de 58’24 à 60’00]
Remplaçants : Kristers Gudļevskis (G), Dans Ločmelis (A). Réserviste : Ivars Punnenovs (G).