L’équipe de France est dans sa configuration quasi-définitive à une semaine de son entrée aux championnats du monde. Il manque juste Tim Bozon qui se remet de la finale suisse. Les deux blessés restés dans le groupe, Vicnent Llorca et Jordann Perret, ne sont malheureusement toujours pas aptes à jouer.
L’évènement est le grand retour de Stéphane Da Costa et Pierre-Édouard Bellemare en bleu. Seraient-ils alignés ensemble ou séparément ? Philippe Bozon a fait le choix de les utiliser chacun au centre, déplaçant Claireaux à l’aile de « Pi-Ed ». Baptiste Bruche, qui a gagné sa place au dernier « cut » face à des joueurs plus capés (Valier et Farnier), figure avec eux sur le deuxième trio mais on peut penser qu’il chauffe la place pour Tim Bozon.
L’absence des potentiels ailiers top-6 (Texier, Fabre et Leclerc) ouvre une place que peut saisir Tomas Simonsen pour sa première compétition internationale. Il est sur le premier trio aux côtés de Stéphane Da Costa, avec le capitaine Sacha Treille pour ouvrir des espaces et fructifier leur travail.
L’enjeu du jour est aussi la mise à l’épreuve de Julian Junca après sa saison nord-américaine, Quentin Papillon ayant été laissé au repos cette semaine. Le test est sérieux dans une patinoire de Wolfsburg à guichets fermés (ce qui n’arrive pas tous les jours en DEL, diront les mauvaises langues).
L’Allemagne vient d’être renforcée de Lukas Kälble (Bremerhaven) et des trois joueurs de NHL Philipp Grubauer, John Jason Peterka et Nico Sturm, mais a appris que Moritz Seider ne pourrait venir en raison des problèmes d’assurance liée à sa fin de contrat. Parmi les sept joueurs coupés dans la semaine, Samuel Soramies, qui avait joué les deux derniers Mondiaux, et un très grand nom du hockey allemand, Matthias Plachta. Les autres éléments retranchés sont Bugl, Karrer, Weber, Krauß et Pfaffengut.
Un centre de Da Costa pour Simonsen dès la première minute donne de l’espoir, mais l’Allemagne prend vite la main. Parker Tuomie dévie un tir de la bleue de Tobias Fohrler et Julian Junca doit détourner juste à côté du poteau. Pierre Crinon fait trébucher Daniel Fischbuch dans le coin et l’Allemagne transforme son jeu de puissance 6 secondes après l’engagement gagné par Nico Sturm devant Claireaux : la passe transversale de JJ Peterka est formidable et le tir de Dominik Kahun dans le cercle droit est une merveille, un coup de fusil dans le haut du filet (1-0). L’Allemagne continue de mettre beaucoup de présence dans l’enclave et Enzo Guebey y commet une crosse haute sur Kastner. Cette fois le premier tir de Kahun est hors cadre et la passe transversale trop évidente de Peterka est interceptée par Nicolas Ritz.
La domination allemande est nette avec beaucoup de patinage. Sur une rare séquence installée des Bleus en zone offensive, Yohann Auvitu perd le palet face à Peterka qui part à 2 contre 1 et choisit le tir, bien bloqué par Junca. Ce sont les deux joueurs connus en DEL qui créent la première grande occasion française : une belle relance de Charles Bertrand trouve « Toto » Rech – même les commentateurs allemands l’appellent ainsi dans son ancien « jardin » de Wolfsburg – qui a démarré dans le dos de son défenseur Jan Luca Sennhenn, mais bute sur Philipp Grubauer.
L’apport créatif de Stéphane Da Costa est indéniable : après une jolie passe aveugle du revers pour Tomas Simonsen, il vient se positionner sur le rebond, non cadré. Sturm est sanctionné pour avoir fait trébucher Simonsen sur cette action. C’est la première supériorité numérique de la France, mais quand elle se fait sortir de la zone après une perte de palet de Chakiachvili, elle n’arrive jamais à y retourner car Auvitu puis Bellemare se font contrer. Peu après le retour à cinq, Parker Tuomie accélère dans le dos d’Auvitu pour recevoir une belle passe d’Ehliz et partir à 2 contre 1. Il tire et bat Junca (2-0).
Les Bleus encaissent un troisième but dans la foulée avec un peu de malchance : l’envoi instantané de la ligne bleue de Samanski ricoche sur le genou de Maxi Kastner, que Chakiachvili repoussait plutôt bien au second poteau (3-0). Ceci dit, la chance peut vite tourner en hockey. Tobias Fohrler se couche sur un lancer de Kévin Bozon mais le rebond arrive sur Hugo Gallet dont le tir croisé rasant trompe Grubauer (3-1). Un but qui fait du bien au moral à 13 secondes de la pause, pour ne partir au vestiaire avec un score trop lourd.
Le deuxième tiers-temps débute par un lancer en angle fermé de Robin Colomban (treizième attaquant aligné sur cette présence à la place de Bruche) qui fait tinter la transversale. Juste avant que l’Allemagne change de gardien à la mi-match, Enzo Cantagallo fait trébucher le toujours remuant Wojciech Stachowiak en zone neutre. le quatuor Crinon-Thiry-Claireaux-Bruche souffre dans sa zone mais fournit un bel effort pour tuer la pénalité. Deux minutes après le retour à cinq, Charles Bertrand organise l’entrée de zone et la France s’installe. Anthony Rech bouche parfaitement la vue de Mathias Niederberger pendant qu’Enzo Guebey arme un bon lancer de la ligne bleue (3-2).
Le capitale allemand Moritz Müller fait trébucher Bertrand qui pivote dans le coin. Même si Louis Boudon n’arrive à conclure face au but en fin de supériorité, c’est bien l’équipe de France qui a pris le dessus dans le jeu. Et elle en est récompensée sur une transition rapide quand un centre d’Enzo Cantagallo est dévié par le patin de Lucien Onno (3-3). La chance sourit aux audacieux.
Le talent, lui, parle de lui-même : après un superbe jeu en triangle avec Simonsen et Treille, Stéphane Da Costa attire le gardien Niederberger qu’il contourne d’un mouvement magnifique sur son revers pour finir en cage vide dans son dos (3-4, image ci-dessous). On ne rêve pas, la France a dominé cette deuxième période sur tous les plans : techniquement, individuellement, collectivement et physiquement. Elle a réduit au silence une patinoire de Wolfsburg sous le choc.
L’Allemagne revient bien sûr sur la glace bien décidée à réagir. Cela amène une faute de Kevin Bozon qui accroche Kastner en zone neutre. Seul entre les cercles pendant cet avantage numérique, Nico Sturm reçoit une belle passe du revers de Marc Michaelis et tente une jolie feinte sur Julian Junca mais le gardien français garde le meilleur sur l’attaquant des Sharks de San José. Revenue à cinq, l’équipe de France étonne toujours, à l’instar du jeune Enzo Cantagallo, souverain pour bloquer Justin Schütz en un contre un. Elle est plus prompte sur le palet et continue de remporter les duels.
Dans cette fin de match, les bons palets envoyés vers le slot sont tous contrés. En effet, les deux équipes sont compactes et laissent peu d’espaces. Seule exception : un long dégagement des Allemands dans le plexi sur un engagement gagné dans leur zone par Nico Sturm (une référence qui aura gagné 15 mises au jeu sur 20) entraîne une situation de 3 contre 1. Arrivant côté gauche, Parker Tuomie s’appuie sur Sturm dans l’axe qui lui renvoie le palet. Ce une-deux a déplacé Julian Junca en grand écart et Tuomie semble pouvoir placer son revers entre les bottes du gardien pyrénéen… qui les referme juste à temps.
Harold Kreis sort son gardien mais les hommes d’expérience de Bozon tiennent bien la zone défensive. Après un premier dégagement contré, Hugo Gallet récupère le palet et le donne sur la droite à Anthony Rech qui passe la ligne rouge pour viser les filets déserts (3-5). L’ancien joueur de Wolfsburg est chaleureusement applaudi pour recevoir son trophée de joueur du match.
La différence de classe qui semblait exister au début a disparu. Les talentueux Kahun et Peterka sont devenus invisibles en deuxième période et ce sont les techniciens français qui ont régalé : Stéphane Da Costa, bien sûr, mais aussi Pierre-Édouard Bellemare qui a dribblé trois joueurs à la file en zone neutre sur une action. La complicité technique entre Da Costa et Simonsen est très prometteuse. La meilleure nouvelle est sans doute le beau match en crescendo de Julian Junca, pour sa première apparition en bleu depuis les quatre buts encaissés au premier tiers face à la Suède aux derniers Mondiaux. Il a bien digéré les trois buts encaissés en première période en évitant de ressasser les mauvais souvenirs.
La performance est belle, mais bien évidemment, ce match ne rend pas la France favorite face à une Allemagne qu’elle retrouvera aux prochains championnats du monde. Il faudra déjà gérer la revanche lundi soir à Weisswasser. Les Allemands seront cette fois au complet car ils accueilleront dans le groupe dimanche le défenseur Szuber et les cinq champions berlinois (Jonas Müller, Kai Wissmann, Tobias Eder, Leonhard Pföderl et Frederik Tiffels).
Désignés joueurs du match : Anthony Rech pour la France et Wojciech Stachowiak pour l’Allemagne.
Commentaires d’après-match :
John Jason Peterka (attaquant de l’Allemagne, photo ci-contre) : « C’est super cool d’être de retour. Cela me fait très plaisir. Nous sommes très bien entrés, avec beaucoup de tempo, mais ensuite nous avons fait trop de turnovers. Dans cette préparation nous devons tester la chimie. Nous avons eu des phases avec de bonnes actions en zone offensive sur notre ligne (avec Kahun et Michaelis), mais on ne savait pas encore toujours exactement où les autres iraient et on doit utiliser ces jours avant le début du championnat du monde. Chaque Mondial est différent, on recommence de zéro et on doit mériter. »
Harold Kreis (entraîneur de l’Allemagne) : « Nous avons bien commencé le match, mais au deuième tiers nous sommes un peu sortis de notre jeu. Nous avons eu trop de pertes de palets en zone offensive et nous avons subi le jeu de transition des Français. Nous devons avoir une meilleure gestion du palet en zone d’attaque. Quand il est au fond, il faut jouer vite de bas en haut avant la passe entre les défenseurs, sinon il y a des ouvertures. Nous avons thématisé ça contre les Français. Nous savons qu’ils ont de bons joueurs qui jouent direct et on leur a rendu les choses un peu trop faciles. Il faut parfois savoir freiner le palet. En zone défensive nous étions parfois un peu trop loin de nos adversaires, les Français ont gagné l’intérieur et pris le momentum. »
Allemagne – France 3-5 (3-1, 0-3, 0-1)
Samedi 4 mai 2024 à 14h00 à l’EisArena de Wolfsburg. 4503 spectateurs.
Arbitres : Marian Rohatsch et André Schrader assistés de Tim Heffner et Kai Jürgens (ALL).
Pénalités : Allemagne 4′ (2′, 2′, 0′) ; France 8′ (4′, 2′, 2′).
Tirs : Allemagne 30 (13, 8, 9) ; France 27 (8, 11, 8).
Évolution du score :
1-0 à 03’26’’ : Kahun assisté de Peterka et Zimmermann (sup. num.)
2-0 à 17’58’’ : Tuomie assisté d’Ehliz et Sennhenn
3-0 à 18’12’’ : Kastner assisté de Samanski et Ehl
3-1 à 19’47’’ : Gallet assisté de K. Bozon
3-2 à 32’17’’ : Guebey assisté de Chakiachvili et Bertrand
3-3 à 37’51’’ : Onno assisté de Cantagallo
3-4 à 38’51’’ : Gallet assisté de Treille et Simonsen
3-5 à 59’14’’ : Rech assisté de Gallet (cage vide)
Allemagne
Attaquants :
Dominik Kahun (-2) – Marc Michaelis (-2) – John Jason Peterka (-2)
Justin Schütz (-1) – Wojtech Stachowiak (-1) – Daniel Fischbuch (-1)
Parker Tuomie – Nico Sturm (-1, 2′) – Yasin Ehliz
Maximilian Kastner – Joshua Samanski – Alexander Ehl
Défenseurs :
Moritz Müller (C, 2′) – Leon Hüttl (-1)
Fabio Wagner (-2) – Tobias Fohrler (-3)
Colin Ugbekile – Mario Zimmermann (-1)
Jan Luca Sennhenn – Lukas Kälble (+1)
Gardien :
Philipp Grubauer (7/8) puis à 28’17’’ Mathias Niederberger (16/19) [sorti de 58’25’’ à 59’14’’]
En réserve : Tobias Ancicka (G).
France
Attaquants :
Sacha Treille (C) – Stéphane Da Costa (A) – Tomas Simonsen
Baptiste Bruche (-1) – Pierre-Édouard Bellemare – Valentin Claireaux (+1)
Anthony Rech (+3) – Louis Boudon (+2) – Charles Bertrand (+2)
Kévin Bozon (+1, 2′) – Nicolas Ritz (+1) – Aurélien Dair
Robin Colomban
Défenseurs :
Yohann Auvitu – Hugo Gallet (+1)
Florian Chakiachvili (+2) – Enzo Guebey (+1, 2′)
Pierre Crinon (2′) – Thomas Thiry (-1)
Lucien Onno (+2) – Enzo Cantagallo (+1, 2′)
Gardien :
Julian Junca (27/30)
Remplaçant : Antoine Keller (G). En réserve : Sebastian Ylönen (G), Vincent Llorca (D), Jordann Perret (A).