Sonnée par le Kazakhstan, la France a en plus assisté à la performance de la Pologne, qui compte désormais un point au classement. Une mauvaise nouvelle pour les Bleus, qui prennent la réalité de plein fouet : le maintien s’annonce tout aussi compliqué que d’habitude, même avec le retour des cadres d’expérience.
Philippe Bozon avait souligné après le match qu’il ne savait pas trop s’il pourrait compter sur tous ses attaquants pour ce deuxième match, et qu’il y avait eu de la casse. L’alignement proposé semble la réaction à cette situation : Nicolas Ritz, absent aux deuxième et troisième tiers, n’est pas là. La fédération a officiellement intégré Aurélien Dair, Baptiste Bruche, Enzo Guebey et Quentin Papillon, atteignant du même coup la limite autorisée de 25 joueurs. Quid de Justin Addamo, censément en route depuis les États-Unis ? On peut imaginer un cas de joker médical, si Ritz est forfait pour le tournoi, ce qui doit être validé par le médecin de l’IIHF.
En face, la Lettonie a laissé bien plus de forces qu’attendu contre le promu polonais. Mené à plusieurs reprises, le médaillé de bronze 2023 s’en est sorti grâce à une décision arbitrale inversée, énormément d’énergie, et un but en prolongation. Il serait malvenu de gaspiller encore d’autres points en route face à un pays plutôt de bas de tableau, si les Baltes veulent rêver des quarts de finale.
Les Bleus s’appliquent sur leurs deux premières présences ; mais un palet envoyé dans leur dos force Chakiachvili à lutter contre Krastenbergs. Ce dernier prend un pas d’avance, et obtient une supériorité numérique.
Junca est vite mis à contribution et sauve devant Dzierkals. Puis, il se jette pour éviter un tir à bout portant, laissant sa cage ouverte. Hugo Gallet sauve miraculeusement le coup en bloquant la reprise (ci-dessous), effaçant ainsi la mauvaise relance de thomas Thiry dans l’axe.
La France revient à cinq, et essaie d’éviter de reculer, ce qui n’est pas une mince affaire. Les duels dans les bandes sont très appuyés, donnant le ton d’une partie qui s’annonce physique.
Point positif, Junca est dans son match. Sur une perte de palet de Da Costa, effacé facilement sur son repli défensif, le portier tricolore étire la jambière pour un bel arrêt devant Dzierkals.
Les Bleus répondent au combat physique et desserrent l’étau. Reste à dénicher quelque chose en attaque… Rech s’y emploie à l’échec-avant. Il vole un palet à un Mamcics trop lent et trouve Da Costa d’une passe dans le dos. Le joueur de KHL, seul devant le gardien, ne parvient pas à battre Merzlikins. Puis, Bellemare percute la défense et échoue à son tour sur la botte du portier de Columbus.
La Lettonie enchaîne avec un temps fort et des tirs lointains. Junca, parfois masqué, est parfaitement positionné et repousse les assauts. Les Tricolores repartent vers l’avant et leur travail dans les bandes décroche une faute de Zile : premier jeu de puissance du jour.
Les artilleurs ne tardent pas : Auvitu lance sur la mise au jeu, avec Treille planté devant le gardien. Tim Bozon tente à son tour, du cercle droit. Puis, Batna est puni, pour une action vicieuse loin du jeu qui visait un entrejambe : 44 secondes de 5 contre 3 pour la France. Les arbitres vérifient la vidéo, et assènent 5 minutes et pénalité de match pour piquage !
Une aubaine pour les Bleus, qui s’installent tout de suite. Da Costa expédie une mine en tête de cercle, avec écran de Treille et légère déviation d’un défenseur (0-1).
Et il reste 4’27 de supériorité. Malheureusement, le capitaine est puni dès la reprise, et le quatre-contre-quatre qui suit est assez prudent de part et d’autre. De retour au complet, les Bleus reprennent leur jeu de puissance. Da Costa sur le premier groupe, puis surtout Simonsen deux fois et Bertrand, sur le deuxième groupe, portent le danger. Mais le score ne change pas : 1-0 pour la France, avec encore 30 secondes de supériorité.
Il y a de bonnes choses dès la reprise côté tricolore. Du mouvement, du soutien des arrières et de la créativité : Simonsen cherche des tirs sur le face-off, que les officiels font rejouer, puis Aurélien Dair s’illustre en contre et voit son tir bloqué. La présence dans les bandes est efficace, permet la récupération et quelques tirs avec écran s’en suivent.
Malheureusement, à la cinquième minute, Rech est puni pour avoir accroché Krastenbergs lors d’un duel dans la zone lettone. Bellemare et Kevin Bozon ralentissent le début de cette supériorité, puis les deux novices, Aurélien Dair et Baptiste Bruche, sont lancés. Dair récupère un palet au fond par son forechecking sur Abols et trouve Bruche tout seul dans le slot : tir, rebond, deuxième tir qui ne passe toujours pas ! Bellemare, ensuite, s’infiltre, servi par une belle passe levée en profondeur de Kevin Bozon, et est mis au sol avant de pouvoir décocher, sans faute jugent les arbitres – la reprise vidéo montre bien une crosse de Jaks dans le patin (ci-dessous). La Lettonie a déjoué sur son avantage numérique et s’en sort bien.
Défensivement, la France ne concède pas grand chose. Junca, très calme, effectue quelques arrêts sur des tirs peu dangereux. Dix premières minutes de très belle qualité de la part des Bleus. La Lettonie n’a que peu de solutions, et sort un peu plus à mi-période en cherchant le jeu près de la cage de Junca.
Le gardien tricolore est dans son match. Il se jette bien sur un palet qui traine devant lui, privant la Lettonie d’un rebond, puis gèle un tir de Roberts Bukarts. Bien installés en zone offensive, les partenaires d’Indrasis insistent de loin, sans réussite.
Ces quatre minutes de souffrance s’atténuent lorsque les joueurs de Philippe Bozon reprennent leur échec-avant agressif. Ils provoquent des revirements et quelques situations chaudes autour du but. Des phases de possession longue durée, ponctuées de quelques tirs – même Crinon tente sa chance.
La défense tient bien le choc aussi, mais un cinglage de Gallet dans la neutre place les Grenats en avantage, à quatre minutes de la pause. La France plie et Junca sort plusieurs palets chauds. Bruche, aligné également, effectue un énorme travail. Llorca, enfin, sauve une cage béante sur un mouvement de tour de cage, Rech se sacrifie au bloc… La France s’en sort, et reprend son pressing intense pour gêner la relance adverse : 1-0 à la pause, 23-22 aux tirs en faveur des Bleus.
Junca étire sa jambière sur un lancer excentré dès la première minute, puis les Bleus, patients, essaient de confisquer la rondelle. Malheureusement, sur une montée de palet lettone, les Bleus sont pris à trois le long de la bande. Freibergs, libre, décoche de la bleue et Abols dévie dans le slot (1-1).
La défense se fait peur dans la foulée avec un palet égaré près du cercle. Junca s’en sort de peu. Les Baltes augmentent la pression…
Les Bleus laissent un peu passer l’orage et cherchent, avec patience, à reprendre le contrôle du palet. Une bonne action trouve ainsi Simonsen dans le slot, et le jeune attaquant est mis au sol de manière irrégulière par Merzlikins (ci-dessous). Le jeu de puissance s’installe, mais peine à trouver des solutions de tir. Seul Chakiachvili, depuis la ligne de fond, cadre son lancer.
À dix minutes du terme, Jaks reste au sol dans un contact dans la neutre. Les arbitres décident de consulter la vidéo. Gallet reçoit cinq minutes et pénalité du match pour cette charge avec un coude jugé un peu trop haut…
La France s’accroche, tue une minute, presque deux… lorsque Daugavins tire de loin et voit son tir repoussé sur la barre. Le palet retombe sur la crosse de Roberts Bukarts, cage ouverte (2-1).
Héroïques, les Bleus s’accrochent. Julian Junca multiplie les contorsions, grand écart impressionnant s’il le faut contre Egle. À quelques secondes de la fin, Kevin Bozon démarre en échappée mais Merzlikins fait l’arrêt ! La France revient au complet et compte un but de retard et cinq minutes à jouer.
Une mise au jeu sauve les Bleus : Da Costa s’empare du palet, tire et Bellemare saute sur le rebond de près (2-2). Le vétéran NHL manque de marquer un autre but à une minute de la fin, mais son revers ne passe pas !
Les Français finissent en feu, avec une montée rageuse d’Auvitu qui lance, un rebond travaillé le long des bandes et sorti pour Crinon de la bleue, puis Boudon de derrière la cage… la défense balte panique, mais s’en sort. Prolongations !
Les Bleus défendent bien et provoquent un revirement : Da Costa est seul et fonce au but ! Il slalome, mais rate sa feinte et la Lettonie échappe au pire.
Une minute plus tard, un duel dans le camp français coûte deux minutes à Rech. Les Baltes posent leur temps mort. Le powerplay s’installe mais la défense bleue joue parfaitement, privant son adversaire de chances dangereuses, et revient au complet. Junca, serain, stoppe de la mitaine.
Il reste une poignée de secondes… Louis Boudon manque de lucidité, et cherche à dépasser Daugavins. Mais il perd le palet dans sa zone et le capitaine balte, seul devant Junca, le feinte et marque en hauteur à 6 dixièmes de la fin (3-2).
La France prend donc un point… « seulement », serait-on tenté de dire, tant les Bleus on eu d’occasions franches. Ils auront séduit ce soir, loin de l’impression laissée contre le Kazakhstan. De la solidarité, du combat physique et de la vitesse, tous les ingrédients étaient là pour perturber une équipe sur le podium l’an dernier. Il aura manqué, comme souvent malheureusement, ce brin de réalisme. Un point c’est tout…
Désignés joueurs du match : Elvis Merzlikins (Lettonie) et Julian Junca (France)
Commentaires d’après-match
Baptiste Bruche (attaquant de la France) : « C’est une très bonne expérience. Le match était d’une grande intensité, le public donnait de la voix… Nous aurions évidement préféré la victoire. On a sans doute manqué de réalisme, mais ils ont fait leur match, nous aussi et ça c’est joué à un détail de plus. L’intensité, je m’y attendais, un Mondial c’est toujours intense. C’est quand même une grande nation de hockey en face, ce n’est jamais facile. Nous prenons un point, on aurait voulu mieux. Nous avons fait un meilleur match qu’hier. Il faudra finir sur une note positive, et cela commence dès mardi contre la Pologne. »
Julian Junca (gardien de la France) : « C’est pour cela que je m’entraîne, pour que l’enjeu soit toujours au plus haut. Il n’y a pas la victoire au bout, le groupe a eu ses occasions. C’est un gros travail de toute l’équipe, ils m’ont bien aidé. C’est dur à chaud, mais c’est un gros point quand même. La solidarité était là ce soir, c’était extraordinaire de voir le nombre de blocked shots, devant la cage vide, deux-trois gros arrêts, et on recolle au score malgré les cinq minutes. On a montré du caractère, on ne s’est pas laissé faire. J’ai su rester plutôt calme, on avait bien analysé leur jeu, un peu à la russe, c’est-à-dire pas vraiment direct vers la cage, plutôt à chercher la passe, le cycling. Je me suis dit qu’il fallait rester patient. »
Pierre-Édouard Bellemare (attaquant de la France) : « On va retenir que tout le monde a fait son meilleur match, alors que nous étions en back-to-back. Ils sont peut-être meilleurs que nous sur le papier. On a joué au même niveau, voire mieux. On a fait des erreurs cruelles, moi le premier sur le 1-1 je manque de patience. On a cinq minutes à quatre contre cinq, on revient puis c’est du pile ou face. Je n’ai pas envie que ça soit lourd pour Louis [Boudon], c’est une erreur plus cruelle que son intention. On a montré plus d’intensité qu’hier. Alors oui, on peut dire si on avait joué comme cela hier, mais c’est le Mondial. Il faudra trois points au prochain ! Sur la fin, j’ai beaucoup apprécié le calme sur le banc. C’est le signe d’une équipe qui a confiance dans le système et dans les joueurs. Je marque, mais il ne faut pas oublier le travail de la ligne d’avant, qui provoque le icing. Notre ligne finit le travail commencé. Tout le monde a travaillé pour les autres, avec un côté chiffonnier à la française. Et un match incroyable de notre gardien.
Le gardien et la défense ont été très bien, des chances sauvées par des sacrifices. Quand votre meilleur joueur est le gardien, cela calme tout le monde.
Tous les joueurs ont été bons ce soir, et c’est la preuve que le pool de joueurs augmente. On a du renvoyer des joueurs très bons au dernier moment, d’autres sont en playoffs, on a plus d’expatriés.
Hier, Yo (Yorick Treille) et Boz (Philippe Bozon) ont fait un bon travail. Ils étaient confiants que nous n’avions pas joué de la bonne façon, et que si on jouait mieux nous aurions des résultats. Il fallait pour cela montrer de la conviction, plus de rage. J’aurais aimé ce point en plus pour que les joueurs respirent.
Le TQO, ça sera différent là-bas. C’est trois fois un match, point barre. Le bruit, le public on s’en fout. Quand je marque et que la patinoire devient silencieuse, ça fait plaisir. »
Philippe Bozon (entraineur de l’équipe de France): « Un mot ? Fier, on a fait ce qu’on a voulu. C’est dur à encaisser pour eux, mais je leur ai dit de lever la tête. On s’est présenté, on a eu nos chances autant qu’eux, on en a eu pour gagner. L’implication, le penalty-kill, les blocked shots, tout le monde s’est investi. Je leur ai dit que si on gardait cela, ce n’était pas possible que ça ne paie pas. Maintenant, priorité à la récupération.
Nous n’avons pas mentionné le TQO. Nous sommes à la chasse aux points avec le résultat d’hier, avec l’objectif de se maintenir. Oui, nous avons des joueurs diminués, mais ils serrent les dents et ils y vont à fond, ils travaillent fort. C’est comme cela, donner tout pour tout le monde, et le staff médical fait un super boulot.
Nicolas Ritz ? C’est une grosse fracture, il rentre en France se faire opérer de la main.
Addamo ? Il y a encore eu des événements aujourd’hui, c’est comme ça avec l’équipe de France ! On ne sait pas s’il sera disponible. Le joueur sera physiquement là mais il y a, dirons-nous, un problème logistique…
Junca ? Dès les premiers shifts, on a vu des cages vides et des sacrifices. Il a été solide ce soir, bien présent, solide partout. Cela a aidé l’équipe, tout le monde a été solidaire devant. C’est encourageant.
Bruche et Dair ? Ce sont des joueurs que j’ai depuis longtemps, que j’aime beaucoup depuis un moment. Ils ont été incroyables en PK, ils ont bloqué beaucoup de tirs. Ils ont été très importants ce soir, surtout avec l’absence de Ritz sur ces phases de jeu. Ils ont de la vitesse, des capacités offensives et ont eu de bonnes occasions.
On a vu hier la victoire de la Lettonie sur la Pologne, et la Pologne n’est pas passée loin de prendre plus de points. Il fallait remettre le compteur à égalité. Tout le monde connaît l’importance de ce prochain match, mais il faut avant tout s’occuper de nous-même.
La Pologne ? J’ai rarement vu cela hier ! J’espère que toute la chance qu’ils ont a été dépensée hier. Le gardien a dû faire des cauchemars avec quatre rebonds malchanceux. Ils ont une grosse implication défensive, et le sens du sacrifice même parfois la tête en avant ! C’est un gros bloc défensif qu’il faudra battre mardi. »
Lettonie – France 3-2 après prolongation (0-1, 0-0, 2-1, 1-0)
Dimanche 12 mai 2024, 16h20. Ostravar Arena, Tchéquie. 8525 spectateurs.
Arbitrage de Tobias Björk (SUE) et Lassi Heikkinen (FIN) assistés de Jiri Ondracek (TCH) et Emil Yletyinen (SUE)
Pénalités : Lettonie 27′ (27′, 0′, 0′), France 8′ (4′, 4′, 0′)
Tirs : Lettonie 21 (11, 10, 0), France 20 (9, 11, 0)
Récapitulatif du score
0-1 à 16′02′′ : Da Costa assisté d’Auvitu et Bertrand (double sup. num.)
1-1 à 42′59′′ : Abols assisté de Freibergs et Dzierkals
2-1 à 51′48′′ : Ro. Bukarts assisté de Daugavins et Jaks (sup. num.)
2-2 à 56′51′′ : Bellemare assisté de Da Costa
3-2 à 64′59′′ : Daugavins
Lettonie
Attaquants :
Kaspars Daugavins (C, +2) – Rodrigo Abols (A, +2) – Martins Dzierkals (+1)
Renars Krastenbergs (-1) – Olskars Batna (5′+20′) – Roberts Bukarts (A)
Rihards Bukarts – Raivis Ansons (-1) – Miks Indrasis
Eduards Tralmarks (-1) – Haralds Egle – Felikss Gavars
Défenseurs :
Janis Jaks (+2) – Roberts Kristaps Zile (2′, -1)
Karlis Cukste – Ralfs Freibergs
Markuss Komuls – Roberts Mamcics
Oskars Cibulskis
Gardien :
Elvis Merzlikins (2′)
Remplaçant : Kristers Gudlesvskis (G). Suspendu : Dans Locmelis (A).
France
Attaquants :
Charles Bertrand – Stéphane Da Costa (A, +1) – Tim Bozon (+1)
Sacha Treille (C, -1) – Pierre-Édouard Bellemare (A, -1) – Jordann Perret (-1)
Tomas Simonsen – Louis Boudon (-1) – Anthony Rech (4′)
Aurélien Dair – Valentin Claireaux – Kevin Bozon
Baptiste Bruche
Défenseurs :
Hugo Gallet (2′+5′+20′) – Yohann Auvitu
Enzo Cantagallo (-1) – Florian Chakiachvili (2′, -1)
Pierre Crinon – Vincent Llorca (+1)
Thomas Thiry
Gardien :
Julian Junca
Remplaçant : Sebastian Ylonen (G). Réservistes : Nicolas Ritz (A, fracture de la main), Enzo Guebey (D), Quentin Papillon (G).