Même si le sélectionneur Jukka Jalonen garde le calme olympien de ceux qui ont tout gagné, la Finlande est dans une situation difficile après sa défaite contre l’Autriche. Cette dernière termine par les deux adversaires les moins bien classés et peuvent donc finir à 10 points, avec l’avantage de la confrontation particulière. Or, les Finlandais n’ont que 7 points avant d’affronter Canada, Danemark et Suisse. Une seule victoire ne suffira pas, il faut donc prendre des points en urgence.
Jalonen a tout essayé pour son premier trio : le capitaine Mikael Granlund a joué ailier ou centre, avec six ou sept partenaires différents. La plupart du temps, Valtteri Puustinen était maintenu à ses côtés mais les deux hommes, de leur propre aveu, avaient du mal à trouver la bonne distance et le bon positionnement entre eux. Avec un bilan toujours à 0 point, Puustinen a été éjecté de cette ligne de parade : l’attaquant des Pittsburgh Penguins est remplacé par Iiro Pakarinen, le vétéran du HIFK.
Les deux entraîneurs avaient annoncé débuter la rencontre avec un alignement défensif : c’est le moins qu’on puisse dire. Les premières secondes de la partie voient les deux derniers champions du monde se livrer une bataille physique et tactique, cherchant à prendre l’avantage l’une sur l’autre. À ce petit jeu, les médaillés d’or 2022 sont les meilleurs et installent le jeu en zone offensive : Après un bon jeu de Jere Innala et Rasmus Rissanen, Jesse Puljujärvi sort du banc et va droit au but pour une déviation puis un rebond qui brise la glace (0-1 à 01’35, photo ci-dessus). Dans la foulée, Connor Bedard casse sa crosse en faisant un cinglage devant les bancs et file au frais (02’05). Le public scande « Suomi » alors que les Finlandais s’installent en jeu de puissance. Solidaire, le bloc canadien fait front un temps puis la solution, qui semblait inévitable, arrive de nouveau. Arttu Hyry combine avec Saarijärvi et trouve… Valtteri Puustinen, qui nettoie la lucarne de Binnington d’un tir à genou pour débloquer enfin son compteur personnel (0-2 à 03’51).
Les Canadiens n’y sont pas et continuent de subir la loi des Leijonat qui occupent le camp adverse. Après cinq minutes de haute intensité, le rythme de cette partie ralentit et les Canadiens sortent la tête de l’eau (06’39). John Tavares prend les choses à son compte sur une spectaculaire accélération puis une feinte qui met Määttä dans le vent mais son tir fuit la barre transversale (07’40). Ce match prend ainsi les airs de la guerre de tranchées annoncée plus tôt, à un détail près : le retard de deux buts qu’accuse désormais le Canada. Les duels se font âpres, les mises en échecs plus appuyées, et chaque formation observe l’autre à la recherche du détail qui fera la différence.
Les offensives les plus dangereuses sont à mettre en faveur des joueurs nordiques. Ils dominent et font tourner en bourrique des Nord-Américains à la recherche d’un jeu collectif (14’30). Owen Power, tout en puissance, entre en zone offensive. Il envoie le palet derrière la cage pour Andrew Mangiapane qui sert Dylan Cozens dans l’enclave pour réduire le score (1-2 à 14’53). à ce niveau, les erreurs se paient cher : une perte de palet en zone offensive et un bloc trop avancé… Voilà une occasion parfaite pour les joueurs à la feuille d’érable d’égaliser. À deux contre un, John Tavares fixe Rasmus Rissanen et sert Tanev qui a bien suivi. Säteri s’interpose – photo ci-dessous – mais a été poussé dans son but et met lui-même le palet derrière sa ligne en le ramenant vers lui ! (2-2 à 16’30) Alors que la Finlande semblait sereine, la voilà qui pâlit pendant que les Canadiens retrouvent des couleurs. Olli Määttä écope de deux minutes en essayant d’enlever le casque de Mangiapane et les coéquipiers de John Tavares ont une occasion de prendre les commandes (17’48). Malgré un circuit de passe travaillé et des lignes de tirs libérées, le score demeure le même. Les arbitres séparent les deux formations sur la sirène et Rasmus Rissanen écope de deux minutes pour dureté.
La Finlande aborde donc la deuxième période en infériorité numérique. Gênés par l’unité spéciale finlandaise, les Canadiens n’arrivent pas à se procurer d’occasions et cette pénalité est annulée sans grandes difficultés. Saku Mäenalanen entre en zone lancé mais il est fauché par Pierre-Luc Dubois qui file s’asseoir à son tour sur le banc des pénalités (24’30). Jere Innala met Binnington à contribution à deux reprises mais voit sa crosse se briser tandis que le jeu de puissance des Leijonat se délite petit à petit. Dubois sort de la boîte et cède sa place à Colton Parayko qui accroche Jormakka parti seul face à Binnington (27’29). Le jeu offensif finlandais semble fébrile et un mauvais contrôle de Puljujärvi à la bleue permet à Dawson Mercer de faire le tour de la cage et de forcer Säteri à un arrêt miraculeux sur sa ligne, d’un grand écart peu académique (28’47).
Les deux équipes alternent les phases de possession stériles, la faute à des gardiens efficaces. Au fil du temps, les joueurs au chandail rouge et noir prennent le dessus sur les débats. La Finlande concède plusieurs dégagements refusés de suite et semble galérer à ce défaire de la pression canadienne. À l’instar du premier tiers, dominer n’est pas compter. Veli-Matti Vittasmäki adresse un tir à la cage et manque – largement – le cadre. Sorti de sa peinture pour aller faire face au tir, Jordan Binnington est en retard pour couvrir le deuxième poteau et Jesse Puljujärvi, qui s’est débarrassé du marquage de Guhle, profite du rebond sur le plexi pour marquer son deuxième but de la soirée (2-3 à 36’07).
Sur l’action qui suit, Jesse Puljujärvi met sa crosse entre les jambes de Byram, celui-ci lui rend la faveur d’un mouvement marqué qui déclenche un cri et une réaction vigoureuse (36’29). Puljujärvi écope de 2′ pour dureté et Bowen Byram de 5’+20′. À quatre contre quatre, le Canada profite des espaces libérés pour égaliser. Colton Parayko entre en zone, décale Dylan Cozens qui sert Owen Power. Ce dernier ajuste Säteri côté bouclier (3-3 à 37’12). L’attaquant de Pittsburgh sort de prison et la Finlande évolue en supériorité numérique pour trois minutes. La première minute trente ne donne rien et les deux équipes se quittent de nouveau dos-à-dos.
Les premières minutes du troisième acte ne sont que peu disputées. Les tirs fusent mais fuient le cadres. Les Leijonat, qui doivent absolument glaner des points pour espérer accrocher les quarts de finale, prennent le jeu à leur compte. Une série de duels contre la bande voit alors le jour et Hannes Björninen est chassé pour crosse haute (47’55). En avantage numéraire, le Canada peine à contourner le quatuor finlandais qui tue la pénalité sans sourciller. Säteri doit s’employer pour faire front aux tentatives de près de Dawson Mercer et McBain (49’30 puis 50’00).
Contre toute attente, les Canadiens débloquent la situation. Brandon Hagel se bat contre la bande en fond de zone, transmet à Dubois qui sert Tavares dans l’enclave. Tavares décale Hagel qui a fait le tour de la cage et marque en angle fermé dans la cage ouverte (4-3 à 51’32, photo ci-dessous). Un but qui semble condamner la Finlande à une grosse performance face à la Suisse pour ne pas dépendre des résultats de l’Autriche. Les sorties de zone typiques du jeu finlandais peinent à transpercer le rideau rouge et noir. Les coéquipiers de Mikael Granlund tentent tant bien que mal de revenir au score. Säteri déserte son filet pour faire entrer un joueur de champ supplémentaire : rien n’y fait et après avoir dû revenir pour un engagement en zone défensive, sa désertion est fatale à la Finlande qui voit Dawson Mercer marquer dans le but vide (5-3 à 59’39). Ce but scelle définitivement la victoire du Canada qui prend trois points importants avant la confrontation face à la Suisse, demain.
Désignés hommes du match : Dylan Cozens pour le Canada et Jesse Puljujärvi pour la Finlande.
Réactions d’après-match :
John Tavares (capitaine du Canada) : « C’était un match dur où il fallait se battre. On a mal démarré mais j’ai aimé la manière avec laquelle on a répondu. On a continué de se battre, continué de jouer notre hockey, il restait du temps et j’avais confiance en notre équipe. Avec la profondeur de banc qu’on a, je savais qu’on pouvait revenir. Tout le monde a bien joué et a contribué à sa manière jusqu’à obtenir ce but gagnant dans le troisième tiers. On a défendu corps et âmes et on a été récompensés par ce but en cage vide pour sceller la victoire. […] La Suisse joue très bien, c’est un pays fort du hockey avec des joueurs qui sont parmi les meilleurs de la NHL, ça va être un match très dur. C’était important pour nous de retrouver notre solidarité, de prendre de la confiance, de travailler sur nos forces, voir ce que l’on peut améliorer pour être prêts pour ce challenge. »
Jukka Jalonen (entraîneur de la Finlande) : « Nous avons joué un bon match à bien des égards. Surtout au début, et nous avons créé suffisamment d’occasions. Puis quelques enfantillages sont apparus. On a eu l’impression que nous avons concédé des buts et des occasions un peu facilement. Nous avons concédé huit occasions à égalité numérique et ils ont marqué quatre buts. Ce qui était difficile, c’était l’efficacité. Nous avons payé un prix élevé pour nos erreurs. Il y a toujours de la pression ici. Aujourd’hui, elle ne s’est pas du tout manifestée sur la glace. Les buts n’étaient pas une question de pression. Si ce tournoi se termine au tour préliminaire, on ne peut pas invoquer ça. »
photos : Andrea Cardin / IIHF
Canada – Finlande 5-3 (2-2, 1-1, 2-0)
Samedi 18 mai 2024 à 16h20 à l’O2 Arena de Prague. 17 303 spectateurs
Arbitres : Sean MacFarlane (USA) et Andre Schrader (ALL) assistés d’Emil Yletyinen (SUE) et Davis Zunde (LET)
Pénalités : Canada 31′ (2′, 4’+5’+20′, 0′) ; Finlande 8′ (4′, 2′, 2′)
Tirs : Canada 22 (11, 7, 4) ; Finlande 32 (16, 7, 9)
Évolution du score :
0-1 à 01′35′′ : Puljujärvi assisté de Rissanen et Innala
0-2 à 03′51′′ : Puustinen assisté de Hyry et Saarijärvi (sup. num.)
1-2 à 14′53′′ : Cozens assisté de Mangiapane et Power
2-2 à 16′30′′ : Tanev assisté de Tavares
2-3 à 36′07′′ : Puljujärvi assisté de Vittasmäki et Mäenalanen
3-3 à 37′12′′ : Power assisté de Cozens et Parayko
4-3 à 51′32′′ : Hagel assisté de Tavares et Dubois
5-3 à 59′39′′ : Mercer assisté de Power (cage vide)
Canada
Attaquants :
Brandon Tanev (+2) – Jack McBain (+1) – Dawson Mercer (+1)
Jared McCann – Nick Paul – Connor Bedard (2′)
Brandon Hagel (-1) – John Tavares (C) – Pierre-Luc Dubois (2′)
Michael Bunting (+1) – Dylan Cozens (+2) –Andrew Mangiapane (A, +2)
Ridly Greig
Défenseurs :
Owen Power (+4) – Colton Parayko (A, +3, 2′)
Bowen Byram (5’+20′) – Jamie Oleksiak
Kaiden Guhle – Damon Severson (-1)
Olen Zellweger
Gardien :
Jordan Binnington (29/32)
Remplaçant : Joel Hofer (G). Non équipés : Nicolas Daws (G), Dylan Guenther (A).
Finlande
Attaquants :
Saku Mäenalanen – Hannes Björninen (-2, 2′) – Pekka Jormakka (-1)
Jere Innala (+1) – Mikael Granlund (C) – Iiro Pakarinen (-1)
Ahti Oksanen (-2) – Oliver Kapanen (-2) – Jesse Puljujärvi (-1, 2′)
Juha Jääskä (-1) – Arttu Hyry (-1) – Valtteri Puustinen
Défenseurs :
Olli Määttä (A, -2, 2′) – Jesper Mattila (A, -2)
Veli-Matti Vittasmäki (+1) – Mikko Lehtonen (+1)
Rasmus Rissanen (-1, 2′) – Oliwer Kaski (-2)
Juuso Riikola – Vili Saarijärvi
Gardien :
Harri Säteri (17/21) [sorti de 58′20′′ à 59′16′′ puis de 59′37′′ à 59′39′′]
Remplaçant : Emil Larmi (G). En réserve : Lassi Lehtinen (G), Konsta Helenius (A), Patrik Puistola (A).