Le premier tour des playoffs a réservé son lot de surprises et la route vers la Coupe Stanley pourrait être plus indécise que prévue, surtout à l’ouest. Retour sur les quarts de finale de conférence.
Par Thibaud Chatel @batonsrompus
Lundqvist gagne le duel
Qu’on le veuille ou non, sur le papier, les Canadiens étaient favoris de ce duel. Ils avaient remporté les trois matchs de la saison régulière et affichaient des capacités offensives et défensives de haut niveau comparées à celles des Rangers. Que s’est-il donc passé ? Il semble en fait que les Rangers ont constitué le pire adversaire possible pour les Canadiens, le plus à même de révéler les failles de cette équipe et de les exploiter, à savoir un manque de profondeur en attaque et une défense en perte de vitesse.
Les matchs de la série ont repris la même recette soir après soir, Montréal dominant largement la première période avant que les Rangers ne prennent tranquillement le dessus au fur et à mesure que les Habs s’éteignaient. Malgré leur domination initiale, ceux-ci n’ont jamais, à part lors du match 3, réussi à prendre une avance de deux buts, synonyme de victoire dans un duel aussi serré. Au fil des matchs, la trappe des Rangers obligeait les attaquants montréalais à envoyer la rondelle en fond de territoire, où des luttes stériles finissaient plus ou moins toujours en faveur des blueshirts. Les contre-attaques des rapides attaquants new-yorkais devenaient alors de plus en plus dangereuses, alors que les jambes des défenseurs des Habs se faisaient lourdes. Cette série a tournée en une guerre d’attrition pour laquelle les Rangers ont paru mieux préparés.
Car les deux gardiens ont livré une grande performance. Le King Lundqvist, 94,7% d’arrêts, a retrouvé sa superbe après une saison morose et a été en mesure de voler un match, le premier, ce que Price n’a pas été capable de faire malgré un bon 93,3% d’arrêts. Le portier des Rangers a gagné en cela son duel, donnant d’entrée de jeu un coup de pouce nécessaire à son équipe pourtant malmené dans la fournaise du Centre Bell. Soir après soir, il a frustré les attaquants des Canadiens et en premier lieu le capitaine Max Pacioretty, pourtant auteur de 28 tirs cadrés, le plus haut total de la ligue, mais de 0 but.
L’élimination de Montréal met surtout en lumière une défaite idéologique et une impuissance tactique. Marc Bergevin a tenté le pari de l’expérience et du leadership avec Shea Weber et Andrew Shaw, et de rajouter du muscle à la date limite des échanges sur sa 4e ligne. Solide dans sa zone comme toujours, Weber a cependant semblé disparaître systématiquement au fil des matchs, Shaw n’a eu aucun point et surtout les acquisitions Ott, King ou Martinsen n’ont rien apporté à une équipe qui avait pourtant besoin de maximiser chacune de ses présences en zone offensive. Au lieu de ça, pendant 10 à 12 minutes par match, l’attaque des Canadiens n’étaient d’aucun danger pour des Rangers qui, eux, ont parfaitement exploité ce face-à-face. Fast, Lindberg, Grabner et l’insertion de Buchnevich ont fait mal au fond d’alignement de Montréal, qui n’a également rien pu faire contre la ligne de Zuccarello lors du sixième match. Montréal avait pourtant les moyens de s’armer en profondeur mais Sven Andrigettho et David Desharnais ont été échangés. Chris Terry, second marqueur de la AHL, et Charles Hudon, encore auteur de 27 buts en AHL, ont désespérément vu leurs téléphones rester silencieux.
Au final, les Rangers ont joué comme ils l’ont fait toute la saison, avec succès. Montréal a perdu son hockey dans un brouillon idéologique qu’il faudra rapidement démêler pour Marc Bergevin, alors que les occasions de gagner la coupe diminuent à vue d’œil.
Le chef d’œuvre d’Erik Karlsson
Que seraient les Senators d’Ottawa sans leur capitaine Erik Karlsson ? Peu de chose. Le défenseur suédois a écrasé cette série de tout son talent, portant à bout de bras une équipe morose et peu aventureuse. Si Ottawa avait remporté les quatre duels de la saison régulière, les statistiques montraient un sérieux écart entre les deux formations et laissaient penser que Boston n’aurait pas de mal à dominer son adversaire, dans le jeu tout du moins, tant que Tukka Rask tenait le choc. L’équation de départ fut pourtant faussée par une cascade de blessures entamant sérieusement la compétitivité des Bruins. Ceux-ci ont en effet dû se passer en défense de Krug, Carlo et McQuaid n’a joué que deux matchs, laissant un top4 décimé et tenu par Chara et le jeune McAvoy, signé en urgence et qui débutait en NHL. Ajoutez à cela que David Krejci n’a joué que 3 matchs…
Cela a certainement contribué à niveler le combat et la série fut âprement disputée, tous les matchs se terminant par un écart d’un but. Le jeu fut lui aussi serré, comme en témoignent la statistique des buts espérés de chaque rencontre, même si Ottawa semble avoir pris la mesure des Bruins lors des quatre derniers matchs. L’opposition se résuma à une longue partie d’échec, mettant aux prises deux équipes difficilement capables de se créer des chances en attaque. Boston et Ottawa sont ainsi 14e et 15e (sur 16) pour le nombre de tentatives de tirs obtenues durant ces playoffs. Autant dire que n’avons pas assisté à un festival offensif.
Ce fut donc un concours d’opportunisme et d’exploits individuels auxquels Erik Karlsson a largement contribué par ses passes lumineuses. Avec six assists en autant de matchs, le capitaine des Sens a montré la voix d’une façon magistrale, profitant du fait que Guy Boucher avait choisi de mettre la paire Phaneuf-Ceci face à la grosse ligne des Bruins Marchand-Bergeron-Pastrnak. Les deux défenseurs ont souffert, mais pendant ce temps Karlsson pouvait s’amuser face au manque de profondeur des Bruins. Difficile de croire qu’il joue pourtant avec deux fractures au pied, chose avouée à l’issue de la série.
Les Sens ont tout de même dû batailler ferme contre un adversaire largement diminué et cela ne présage rien de rassurant pour le prochain tour, même face à un autre outsider, les Rangers.
Mauvaise surprise évitée
Les partisans des Capitals doivent respirer plus librement ce matin mais que cette série fut tendue du début jusqu’à la fin. Si Washington a franchi sans surprise ce premier tour, la manière n’est surement pas celle prévue par nombre d’observateurs. Cinq des six matchs ont nécessité une prolongation et Toronto a donné bien du fil à retordre à la bande à Ovechkin.
En vérité, les Leafs ont même légèrement dominé les trois premiers matchs, prenant l’avance dans la série. Mais, dos au mur, les Caps ont alors retrouvé leur hockey dans un duel numéro 4 maîtrisé et où ils menaient 4-1 avant de se faire peur dans le dernier tiers. Dès lors, les petites batailles ont tourné à l’avantage des Caps et si un septième match n’aurait pas été démérité, c’est finalement Washington qui aura eu le dernier mot dans ce duel offensif.
Car les deux équipes ont fourni une bataille à la hauteur des attentes. Washington est l’équipe qui a obtenu le plus de tentatives de tirs de ce premier tour, faisant donc de Toronto la défense la plus permissive. Mais les Leafs n’étaient pas non plus en reste avec la 6e meilleure attaque à ce chapitre et la série fut un véritable régal pour les spectateurs. Les jeunes talents de Toronto ne se sont pas laissés impressionnés par l’évènement et Aston Matthews a obtenu cinq points dont quatre buts. Andersen a tenu son bout dans les cages, tout comme Reilly et Gardiner en défense. Mais surtout, l’ensemble du groupe coaché par Mike Babcock a tenu la dragée haute aux ultra-favoris. Que des signes encourageants pour les années à venir.
Côté Washington, les stars ont répondu présentes, sauf peut-être Braden Holtby, bon mais pas excellent. La ligne Ovechkin-Bäckström-Oshie a été dominante et Justin Williams, monsieur playoffs, a entretenu sa légende. Si le trio de Williams-Kuznetsov justement et la quatrième ligne ont souffert, Lars Eller et la troisième se sont montrés aussi solides que pendant la saison, dominant le jeu et allant notamment chercher le but égalisateur lors du 6e match.
Tout est en place pour le duel tant attendu avec le rival Pittsburgh.
Les Penguins ont remporté la bataille des stars
Dans cette affiche du premier tour, Sergei Bobrovsky devait donner aux Blue Jackets un avantage décisif face aux gros canons des Penguins mais il n’en fut rien. Le probable futur vainqueur du Trophée Vezina a livré une performance bien loin de ses standards de cette année. Son taux d’arrêts de 88,2% fut le pire de la ligue après Brian Elliott, et à des lustres de son 93,1% de la saison régulière.
À l’inverse, les stars des Penguins ont livré une performance presque au-delà des attentes. Au lendemain de leur qualification, les quatre meilleurs marqueurs de la ligue étaient tous du club de Pennsylvanie : Malkin (11 points !!!), Kessel (8), Crosby (7) et le jeune Jake Guentzel, meilleur buteur avec 5 buts.
Car si Columbus a gagné la bataille de la possession (53% sur l’ensemble de la série), ce sont bien les Penguins qui se sont montrés les plus dangereux. À l’indice des buts espérés (Expected Goals), qui prend en compte quantité et qualité des tirs, les Penguins ont largement dominé tous les matchs sauf la quatrième rencontre remportée par Columbus, en plus de marquer sur 33% de leur supériorité numérique ! Privée de Kris Letang, la défense des Pens que l’on pouvait craindre friable s’est ainsi parfaitement chargée de limiter les chances de marquer adverses et Marc-André Fleury n’a même pas eu besoin de forcer son talent, lui qui a dû remplacer Matt Murray à la dernière minute suite à une blessure.
Le premier écueil est passé pour les Pens, plus facilement que prévu. Les leaders ont largement hissé leur niveau de jeu, un signe rassurant s’ils veulent conserver leur couronne.
Au-delà de la surprise, la logique
Si très peu d’observateurs avaient prédit une victoire des Predators (dont Hockey Archives, oui oui!), personne n’aurait pu imaginer une telle déconfiture des Blackhawks de Chicago. Les triples champions de la Coupe Stanley ont vu la série défiler à une vitesse folle, sans jamais réussire à rattraper le fil des évènements. Certes, Pekka Rinne a été extraordinaire dans les cages de Nashville, bien au-delà des attentes, mais les Preds ont bel et bien dominé la série. Entamant le premier match en lions, ils ont par la suite pris le pari risqué de s’accrocher à cette maigre avance jusqu’au blanchissage de Rinne. Les deux parties suivantes ont par contre franchement tourné à l’avantage de Nashville, écrasant l’un et repoussant la révolte des Hawks dans l’autre. Enfin, le dernier duel fut une redite du premier, Nashville fermant le jeu après avoir ouvert le score, confiant de sa solidité défensive.
Car c’est bien là la première explication au résultat de cette série. Le formidable top4 défensif des Preds n’a fait que confirmer les attentes placées en lui. Si la paire Josi-Ellis a quelque peu subi la foudre du trio de Patrick Kane, il a pu alimenter efficacement la ligne Forsberg-Johansen-Arvidson tout simplement intenable. Celle-ci a donné le tournis à une défensive des Hawks qui a paru bien âgée face aux jeunes jambes adverses. Les images d’un Duncan Keith livré à lui-même se faisant déborder par la première ligne des Preds ont semblé tourner en boucle.
L’autre pièce de l’équation fut la contribution impressionnante de la paire Subban-Ekholm, qui a écœuré le trio de Jonathan Toews. Avec 59% de possession et 60% des buts espérés et le deuxième plus faible taux de tentatives de tirs concédés de la ligue, ce duo a été d’une efficacité à montrer dans toutes les écoles de hockey. Nashville n’a pas volé sa victoire et le reste de la ligue est prévenu, il va falloir compter sur eux.
Un vol
Il ne sert à rien chercher bien loin les raisons de la victoire de St Louis : Jake Allen a volé la série. Son taux d’arrêts de 95,6% laisse deviner la muraille sur laquelle sont venus de heurter les offensives du Wild. Minnesota a pourtant entamer la série sur sa belle dynamique des deux derniers mois de la saison régulière qui l’avait vue mener la ligue pour la possession, les chances de marquer et les buts espérés. Le Wild a écrasé les Blues sous les tirs durant toute la série, finissant les quatre premiers duels à plus de 55%, voire 60% des buts espérés, un gouffre dans la NHL.
C’était à vrai dire la stratégie assumée de l’entraîneur de St Louis Mike Yeo, qui affirma après le premier match que le plan était de se laisser bombarder mais de bloquer l’approche du but. L’objectif a en partie réussi et bon nombre des tentatives du Wild n’ont pu se faire que loin de l’enclave, mais la répétition des chances aurait tout de même largement du suffire. À 5 contre 5, Jake Allen a stoppé 97% des tirs et a constamment écœuré les attaquants du Wild qui avaient l’impression de devoir accomplir un miracle pour la mettre au fond : 1 seul but par match les trois premières rencontre, 2 lors du quatrième duel…
Surtout qu’à l’autre bout de la glace, St Louis a été à l’inverse extrêmement opportuniste. La défense du Wild n’a pourtant laissé que des miettes. Les Blues ont ainsi obtenu 44 tentatives de tirs par 60 minutes durant la série, le pire total des playoffs alors que l’avant-dernière équipe, Boston, est à 52, presque 10 de plus ! Mais les buts sont rentrés au parfait moment. Victoires en prolongation les matchs 1 et 5, but vainqueur à 2’30 » de la fin au match 2… Tout s’est parfaitement aligné pour que St Louis s’échappe avec la victoire, laissant une équipe du Minnesota frustrée, elle qui pensait pourtant son année venue. Les Blues pourront-ils refaire le coup aux Predators ? Il est très rare de voler deux séries de suite…
Sans gardien, peu d’espoir
Si nous avions pronostiqué ici le balayage par les Ducks, le résultat final est tout de même sévère pour les Flames. Ceux-ci menaient à mi-match dans la première rencontre avant de chuter 3-2. Rebelote dans la deuxième manche alors que Getzlaf donna la victoire aux Ducks en power play à 5 minutes de la fin. Mais Calgary a bel et bien perdu la série dans la troisième période du match 3. En avance 4 à 1 à mi-match, les Flames se sont fait remonter, à domicile, avant de s’incliner en prolongation. Le sort en était jeté et Anaheim géra tranquillement la dernière rencontre, dominant pour la première fois en termes de statistiques.
S’ils faisaient au moins jeu égal, voire mieux, dans le jeu, Calgary a surtout subi les conséquences des piètres performances de Brian Elliott dans les buts. Agent libre cet été, Elliott n’a rien fait pour convaincre ses dirigeants de lui faire confiance à l’avenir, alors qu’ils avaient justement misé sur lui cet hiver plutôt que d’aller chercher du renfort ailleurs. Avec 88% d’arrêts, Elliott est passé à côté de ses playoffs. Son top4 défensif a pourtant contrôlé le jeu, Hamilton-Giordano et Brodie terminant tous à plus de 57% des buts espérés. Ajoutons à cela que les Flames ont converti un tiers de leurs avantages numériques, le meilleur taux de la ligue en playoffs, tous les éléments étaient réunis pour que Calgary connaisse un meilleur sort.
Seulement en face, Getzlaf et Rakell ont été très opportunistes, ne laissant passer aucune occasion alors que Corey Perry se montrait enfin dangereux. L’expérience des Ducks a sans doute pu faire pencher la balance au bon moment mais certaines largesses devront être corrigées avant le prochain tour car les gardiens adverses ne seront pas toujours aussi généreux.
Les Oilers étonnent
Voilà l’autre surprise du premier tour. Même s’ils avaient coiffé les Sharks sur le fil au classement, rare sont ceux qui donnaient leur chance aux jeunes Oilers face à une équipe destinée à prendre sa revanche de l’an dernier en finale de la coupe Stanley. La bande à McDavid s’est pourtant révélée un bien meilleur adversaire que prévu, dirigée d’une main de maître par Todd McLellan. Si son homologue des Sharks avait fait le pari de museler Connor McDavid via sa paire défensive Vlasic-Braun, McLellan avait lui aussi fait le pari de mettre Ryan Nugent-Hopkins face à Thornton-Marleau-Pavelski. Si RNH n’a obtenu aucun point, son trio a dans l’ensemble très bien fait pour limiter les gros canons des Sharks, alors que McDavid faisait mal paraître Vlasic-Braun a plusieurs reprises.
Car dans l’ensemble les Oilers n’ont absolument pas volé leur victoire. Au regard de l’indice des buts espérés de chaque rencontre, si les Sharks ont maîtrisé les rencontres 1 et 4, les autres ont largement été dominées par Edmonton. C’est peut-être là la grande surprise de la série car il semblait naturel que les Sharks formaient sur le papier la meilleure équipe. Est-ce que les blessures (Thornton a joué avec deux ligaments du genou déchirés) et la fatigue des matchs accumulés depuis l’an dernier ont pu jouer ? La fin de saison régulière avait été difficile pour San José et ceux-ci ont paru parfois dépassés par la vitesse des Oilers.
Des Oilers qui ont pu également compter sur un grand Cam Talbot, auteur de deux blanchissages cruciaux en milieu de série (avant de se faire sortir du match 4…). La première paire Klefbom-Larsson a également accompli un travail colossal, s’assurant 59% de la possession et 64% des buts espérés lorsqu’ils étaient sur la glace. En face, Vlasic-Braun n’ont vu que 43% de la possession et Burns-Martin 49%, loin de leurs standards habituels, mais cela reflète bien ce qu’ils ont vécu sur la glace.
Les jeunes Oilers peuvent-ils aller plus loin ? Ils affronteront maintenant une équipe moins offensive mais dure au mal et en confiance avec les Ducks. Un test d’un nouveau genre.