Pendant que tout un pays a les yeux rivés sur le match des Tchèques à Prague, le quart de finale Suède-Finlande semble réservé aux inconditionnels du hockey nordique. Tout laisse présager un match plus fermé entre deux adversaires qui se connaissent par cœur. D’un côté, la Suède, qui a été la première équipe à marquer 21 points sur 21 en poule, mais qui donne l’impression de jouer toujours en contrôle. De l’autre, la Finlande, qui s’est qualifiée grâce à un coup de main des Britanniques, qui est privée de sa seule star Mikael Granlund, suspendu pour un geste revanchard idiot, mais qui… reste la Finlande.
Jukka Jalonen a un argument-massue pour balayer les doutes des journalistes : son équipe a battu la Suède en 2019, contre tous les pronostics, dans une situation similaire. Celui qui vivra son dernier match comme sélectionneur en cas de défaite a réservé deux surprises. Il réunit dans un même trio les trois joueurs des Jukurit de Mikkeli (Puistola-Helenius-Jormakka), une combinaison qu’il n’avait jamais essayée, ni en préparation ni pendant dans le tournoi. C’est la solution qu’il a trouvée pour réincorporer le centre de 18 ans Konsta Helenius, choix obligé en l’absence de Granlund. De plus, plutôt qu’un Säteri un peu décevant, Jalonen titularise dans les cages Emil Larmi, qui n’avait joué que deux matches… et qui, surtout, n’a encaissé qu’un seul but ! Moins de surprise dans es cages suédoises avec un Emil Johansson qui domine les statistiques des gardiens ayant joué la majorité du temps (Larmi domine celles des autres !).
Peu capable de grandes envolées offensives, la Finlande a employé une tactique systématique depuis le début du tournoi : la déviation. Il n’est pas surprenant que la première occasion vienne d’un palet envoyé à la cage par Oliwer Kaski et dévié par Hannes Björninen… sur le poteau. À la huitième minute, Lucas Raymond attaque la cage et est fait trébucher par Juuso Riikola. Joel Eriksson Ek se procure deux grosses occasions pendant la supériorité numérique. D’abord, sur un jeu en triangle avec Dahlin et 23 derrière sa cage, il voit sa reprise à bout portant détournée par Emil Larmi. Puis, servi près du poteau par Kempe, Eriksson Ek fait un superbe mouvement technique et décoche un beau tir… sur la transversale.
On revient à cinq et la physionomie du match ne change pas. La Finlande utilise toujours la même stratégie avec un lancer lointain Lehtonen que Puistola rabat au passage : la rondelle rebondit sur la glace, s’élève et s’arrête par chance – ou par malchance selon le camp – sous le bras droit de Johansson. La Suède a plus de possession, plus de séquences en zone offensive et une meilleure circulation du palet, mais elle ne trouve pas la faille pour autant.
La deuxième période débute par une obstruction de Saku Mäenalanen sur Tim Heed. La boîte finlandaise arrive mieux à contrôler la première unité suédoise de jeu de puissance ; le danger vient plus de la seconde unité avec un lancer d’Erik Karlsson, puis un tir de Linus Johansson servi entre les cercles par Zetterlund après un jeu en triangle en tout point similaire à la première occasion d’Eriksson Ek. Le jeu revient à 5 contre 5 avec la même dimination suédoise stérile.
Il y a un moyen d’apprécier le mach, c’est d’admirer spécifiquement le travail des défenseurs finlandais. Voir par exemple Vili Saarijärvi et Juuso Riikola déménager les armoires jaunes dès que l’alarme s’est allumée dans le slot. Voir aussi Oliwer Kaski reprendre André Burakovsky qui semblait parti en contre avec un temps d’avance. Mais même ces arrières peuvent faire des erreurs : Rissanen et Kaski vont en même temps dans le coin, et Burakovsky reçoit le palet en position idéale. Cette fois c’est le gardien Emil Larmi qui sort un splendide arrêt de la mitaine !
La Suède commet aussi deux oublis défensifs. Premièrement, Heed laisse dans son dos Juha Jääskä qui reçoit une longue passe par la balustrade à la ligne bleue. Deuxièmement, alors que le défenseur Marcus Pettersson est engagé dans un duel dans la bande, les deux attaquants Lucas Raymond et Marcus Johansson semblent tous deux croire que l’autre ira empêcher Jere Innala de sortir du coin. Ces deux actions se terminent exactement de la même manière : l’ailier finlandais repique à la cage et tire du revers… à côté de la cible. Voilà pourquoi la Finlande n’a que 9 tirs cadrés après deux tiers-temps.
La Tre Kronor a beaucoup plus lancé au but, c’est vrai, mais ce sont surtout des tirs extérieurs forcés. Quand la Finlande atteint enfin le palier des 10 tirs cadrés, après plus de 45 minutes de jeu, elle se fait pénaliser sur l’action pour une crosse haute de Björninen. Mais les Leijonat n’ont encaissé aucun but à 4 contre 5 dans ce championnat du monde, et ce n’est pas ce soir qu’ils comptent rompre. Au contraire, ils ne laissent plus le moindre espace intérieur, menés par la crosse ultra-active de Juha Jääskä.
Au retour à cinq, le jeune Konsta Helenius remonte la glace et est fait trébucher par Fröden. C’est la première pénalité de la Suède… mais elle aussi est à 100% d’efficacité en désavantage numérique, avec des défenseurs comme Jonas Brodin. Elle non plus, elle ne concède pas le moindre tir en deux minutesv!
Il y a donc de moins en moins d’occasions – c’est possible – mais à cinq minutes de la fin, la Suède s’offre une énième séquence installée. Rasmus Dahlin prend un énième lancer excentré… et il trouve un trou de souris entre les jambes d’Emil Larmi ! Les Suédois ne célébraient peut-être pas leurs buts en phase de poules, mais il faut voir à ce moment Lucas Raymond à genoux sur la glace – car repoussé comme d’habitude par les défenseurs finlandais – lever alors les bras au ciel comme s’il célébrait le Dieu de la pluie dans une tribu reculée en ressentant une goutte tomber après cinq années de sécheresse et la moitié des villageois morts !
Raymond et ses collègues Vikings ne sont pas encore au Valhalla. La Finlande passe à l’attaque. Jesse Puljujärvi prend un one-timer dans le cercle gauche mais il échoue dans la botte de Gustavsson. Il grimace, croit avoir manqué la dernière occasion, mais son équipe s’en crée plus dans les 5 dernières minutes que dans les 55 premières. Jukka Jalonen sort son gardien. Les bleus s’installent à 6 contre 5 et deux d’entre eux s’installent devant la cage, sans être dérangés par Victor Hedman qui voit, à son nez et à sa barbe, Hannes Björninen dévier le palet envoyé par Valtteri Puustinen (1-1, photo ci-dessus).
Dix minutes de prolongation à 4 contre 4. Jeu d’échecs. Première tentative dangereuse avec la reprise de Lehtonen dans le cercle droit. Après quatre minutes, Adrian Kempe fonce à la cage et reçoit la passe de Joel Eriksson Ek. Le gardien Emil Larmi réussit son poke-check mais Helenius a légèrement accroché Kempe en soulevant sa crosse. Ce sera donc deux minutes à 4 contre 3, et c’est maintenant Sam Hallam qui appelle son temps mort. Il y aura trois mises au jeu en zone offensive, et Joel Eriksson Ek les remportera toutes les trois face à Björninen. Ne cherchez pas plus loin la clé du match. À chaque fois, Eriksson Ek se place devant la cage… pour une déviation, bien entendu (photo ci-dessous). Il ne va pas laisser ça aux Finlandais, les Suédois avaient bâti des titres là-dessus bien avant ellev!
Et devinez qui lui a envoyé le palet de la gagne ? Hedman, qui a un but à se faire pardonner ! Ce Victor Hedman qui donnera sa crosse à un jeune garçon habillé comme sa maman d’un maillot de Tampa Bay à son nom, qui le lui a demandé dans une banderole déployée durant tout le match derrière le banc suédoisv! Et voilà, c’était encore un Suède-Finlande. Pas toujours de grands effets spéciaux, mais toujours tellement d’émotions à la fin…
Désignés joueurs du match : Emil Larmi pour la Finlande et Rasmus Dahlin pour la Suède.
Trois meilleurs Finlandais du tournoi selon leur entraîneur : Oliver Kapanen, Jere Innala et Olli Määttä.
Commentaires d’après-match :
Jukka Jalonen (entraîneur de la Finlande) : « Nous avons affronté une équipe de top joueurs NHL et deux arbitres. Cela a rendu la tâche plus difficile. Ce match était ce dont cette équipe est capable à son meilleur. Je n’ai pas l’énergie pour analyser maintenant. C’est trop proche du match. »
Olli Määttä (défenseur de la Finlande) : « C’est le premier but en infériorité que l’on concède. Ils ont une super équipe. En même temps je pense qu’on peut être fier de la bataille qu’on a livrée. C’est le hockey parfois. L’empreinte laissée par Jukka Jalonen est énorme. Il a fait de la Finlande une équipe que l’on s’attend à voir réussir à chaque tournoi. Perdre en quart de finale est décevant, mais c’est grâce à Jukka que les attentes sont élevées. »
Victor Hedman (défenseur de la Suède) : « Nous savions que ce serait un match difficile contre les Finlandais, quand on entre en élimination directe. Ils sont durs à pénétrer pour avoir de grandes occasions. Bien sûr leur gardien est phénoménal, on le savait, il a eu beaucoup de succès en Suède. À la fin nous sommes passés. Ce sera une expérience phénoménale de jouer le pays-hôte devant 18 000 personnes, j’ai deux bons amis dans cette équipe tchèque. »
photos Matt Zambonin / IIHF
Suède – Finlande 2-1 après prolongation (0-0, 0-0, 1-1, 1-0)
Jeudi 23 mai 2024 à 20h20 à Ostrava. 6691 spectateurs.
Arbitres : Andris Ansons (LET) et Sean MacFarlane (USA) assistés de Nick Briganti (USA) et Daniel Hynek (TCH).
Pénalités : Suède 2′ (0′, 0′, 2′, 0′) ; Finlande 8′ (2′, 2′, 2′, 2′).
Tirs : Suède 35 (13, 11, 8, 3) ; Finlande 20 (5, 3, 11, 1).
Évolution du score :
1-0 à 55’02’’ : Dahlin assisté de Lundeström et Raymond
1-1 à 59’02’’ : Björninen assisté de Puustinen et Lehtonen
2-1 à 65’54’’ : Eriksson Ek assisté de Hedman et Dahlin (sup. num.)
Suède
Attaquants :
Marcus Johansson – Joel Eriksson Ek (-1) – Adrian Kempe
Lucas Raymond – Pontus Holmberg – André Burakovsky
Victor Olofsson – Isac Lundeström (+1) – Fabian Zetterlund
Carl Grundström – Linus Johansson – Jesper Fröden (2′)
Défenseurs :
Victor Hedman (-1) – Tim Heed (2′)
Marcus Pettersson – Erik Karlsson
Jonas Brodin – Rasmus Dahlin (A, +1)
Gardien :
Filip Gustavsson
Remplaçants : Samuel Ersson (G), Lukas Bengtsson (D), Marcus Sörensen (A). En réserve : Jesper Wallstedt (G), Max Friberg, Felix Unger Sörum (A).
Finlande
Attaquants :
Saku Mäenalanen (-1, 2′) – Hannes Björninen (A, 2′) – Iiro Pakarinen (-1)
Patrik Puistola – Konsta Helenius (2′) – Pekka Jormakka
Jere Innala (+1) – Oliver Kapanen (+1) – Jesse Puljujärvi (+1)
Juha Jääskä – Arttu Hyry – Valtteri Puustinen (+1)
Défenseurs :
Olli Määttä (C) – Jesper Mattila
Mikko Lehtonen (A) – Veli-Matti Vittasmäki (-1)
Rasmus Rissanen – Oliwer Kaski
Juuso Riikola (2′) – Vili Saarijärvi
Gardien :
Emil Larmi [sorti de 58’18’’ à 59’02’’]
Remplaçant : Harri Säteri (G). En réserve : Lassi Lehtinen (G), Ahti Oksanen (A). Suspendu : Mikael Granlund (A).