La dernière partie de notre analyse-bilan de KHL s’intéresse aux sept premiers de la saison régulière, tous les cadors de la ligue à la poursuite d’un seul titre.
Ak Bars Kazan (1er) : plus frais et plus revanchard

Il en avait les moyens car Kazan n’avait plus eu autant de talent en attaque depuis cinq ans. Ak Bars avait juste assez de profondeur et Bilyaletdinov a pu alternativement disperser ses forces sur quatre lignes ou construire un top-6 très fort. C’est cette seconde option qui a été retenue dans la dernière ligne droite. Le petit Justin Azevedo est devenu le premier étranger à finir meilleur marqueur des play-offs russes, sur un trio 100% importé avec Jiri Sekac et Anton Lander.
La deuxième ligne était pour sa part entièrement russe. Le vétéran Danis Zaripov, après sa réduction de suspension, est devenu le premier joueur à soulever cinq fois la Coupe Gagarine, aux côtés du centre Vladimir Tkachyov et du meilleur buteur des play-offs Stanislav Galiev (10 buts), très content d’avoir quitté les voyages en bus de l’AHL puisqu’il n’avait pas gagné durablement sa place en NHL à Washington.
Kazan s’appuie toujours sur des produits locaux du hockey tatar, comme Aleksandr Burmistrov, rentré de NHL à la limite des transferts pour donner de la profondeur au centre, et surtout le gardien Emil Garipov, excellent sur les premiers tirs, et prolongé pour deux années supplémentaires. Ak Bars s’est souvent construit sur ses vétérans, mais dans la défense dirigée par les expérimentés Andrei Markov et Atte Ohtamaa, un arrière de 22 ans s’est révélé y compris par sa capacité à rejoindre l’offensive, Nikita Lyamkin, arrivé du club « relégué » l’été dernier (Novokuznetsk).
CSKA Moscou (2e) : frustration individuelle et collective

L’autre difficulté de ce sur-effectif est que le CSKA a peiné à trouver les leaders qui le mèneraient. Il continue d’être incarné par les attaquants défensifs Sergei Andronov et Ivan Telegin, qui neutralisent les trios adverses mais inscrivent peu de points. La seule ligne vraiment stable et dangereuse qui s’est dessinée au fil de la saison, c’est le trio Kaprizov-Shalunov-Shumakov. Néanmoins, le grand talent Kirill Kaprizov devait assumer les attentes de son nouveau statut de héros olympique, et sa série de 17 matches sans marquer était pointée du doigt. Quant aux deux autres, ils ont été atteints par une épidémie d’oreillons qui a fait irruption dans le vestiaire du CSKA au moment-clé de la finale de conférence contre le SKA.
C’est alors que la profondeur de banc du CSKA a été légitimée : Andrei Kuzmenko, joueur formé au club (depuis ses 12 ans) et pas toujours titulaire en quatrième ligne, inscrivait trois buts magnifiques au match 1 grâce à son tir aussi explosif que ses jambes. Au match 6, c’est finalement Mikhaïl Grigorenko qui a qualifié le CSKA avec l’égalisation puis le but vainqueur en prolongation, à chaque fois sur passe du toujours excellent patineur Aleksandr Popov. Or, Popov, seul véritable grand palmarès de l’équipe mais taiseux de nature, n’était pas le plus adapté pour transmettre son expérience des finales gagnées à ses coéquipiers. Le métier, c’est ce qui a fait défaut au CSKA en finale face à un Kazan pas supérieur. Il a aussi manqué de tranchant en jeu de puissance en ne convertissant qu’une de ses 35 dernières supériorités numériques.
L’objectif de conquête de la Coupe Gagarine n’a donc toujours pas été atteint, pas plus que les objectifs individuels des joueurs. Le plus gros salaire du club Ilya Sorokin a perdu la place de gardien numéro 1 aux Jeux olympiques à laquelle il avait été préparé depuis deux ans. Ayant appris à garder sa concentration face au peu de tirs reçus, il a ensuite commencé ses play-offs dans l’excellence (5 buts dont 4 déviations en 9 rencontres) avant de craquer face au SKA et de perdre là encore son poste, au profit de l’étonnant Suédois Lars Johansson. Sorokin n’est pas le seul grand frustré de la saison : le défenseur Aleksei Marchenko a perdu sa place en équipe nationale et l’attaquant Sergei Shumakov a été exclu pour violation disciplinaire lors de la finale par son coach Igor Nikitin.
SKA Saint-Pétersbourg (3e) : la fin d’un cycle

Il y a cependant une différence absolument majeure : le SKA ne rentrera pas dans l’histoire car il n’a pas remporté le titre de champion. Elle pouvait sembler invincible, cette formation, surtout avec le retour en saison régulière de ses pièces maîtresses, le polyvalent Norvégien Patrick Thoresen et le centre Vadim Shipachyov, pas aimé de son coach et dégradé par son expérience malheureuse à Vegas mais toujours aussi bon passeur. La défense de Saint-Pétersbourg avait tellement de talent et de profondeur que la blessure de David Rundblad y passait inaperçue.
Et pourtant, le SKA a buté sur le rival annoncé, le CSKA, qui l’a battu 4 victoires à 2 en finale de Conférence Ouest. Ayant déjà annoncé son envie de retourner dans une NHL devenue pourtant ardue pour les vétérans, Ilya Kovalchuk n’avait plus ni la vitesse ni l’efficacité pour conduire son équipe à la victoire avant de lui faire ses adieux. Il s’agit en somme d’une fin de cycle pour le SKA, qui devra continuer sans « Kovy » et sans Znarok, fatigué de la pression pesant sur le sélectionneur mais aussi des relations tendues avec les dirigeants péterbourgeois.
Traktor Chelyabinsk (4e) : un parcours varié

Le Traktor a pu compter sur des joueurs étrangers performants avec le gardien tchèque Pavel Francouz, le défenseur offensif américain naturalisé biélorusse Nick Bailen et la première ligne Gynge-Szczechura-Videll. Ce trio a été reconstruit en cours de saison parce que son membre initial Gilbert Brulé était mécontent et a demandé à son coach de jouer au centre. Mais comme Paul Szczechura était jugé essentiel à ce poste, Brulé a été échangé contre un ailier mieux assumé, Richard Gynge.
Lors des play-offs, un apport complémentaire inattendu est venu de la quatrième ligne Kruchinin-Sharov-Kravtsov, trois joueurs qui ont vite trouvé une complicité. Aleksei Kruchinin a un peu servi de grand frère à Vitali Kravtsov, qui s’est révélé en marquant 11 points en play-offs (contre 7 en saison régulière !) et en battant ainsi le record d’Evgeni Kuznetsov pour un joueur junior. Non sélectionné dans l’équipe russe au Mondial junior, Kravtsov n’a jamais été un talent évident, il avait même été relégué six mois en défense à l’école de hockey du Traktor. Mais il a aujourd’hui trouvé sa voie comme ailier droit, en sachant très bien se placer et utiliser son gabarit pour prendre les rebonds. Protégé de la presse pendant tous les play-offs pour éviter l’effervescence médiatique, Kravtsov a eu le temps de jeu pour s’exprimer, y compris en avantage numérique où il est efficace dans l’enclave. Il restera la saison prochaine au Traktor avant de rejoindre les New York Rangers qui l’ont drafté en neuvième position.
Jokerit Helsinki (5e) : toujours pas de dernier carré

Même le gardien Karri Rämö, blessé, laissait alors l’Américain Ryan Zapolski lui voler la vedette avec d’excellentes statistiques. Alors que leur entraîneur Jukka Jalonen redeviendra sélectionneur de la Finlande la saison prochaine, il n’y avait finalement que deux joueurs majeurs finlandais chez les Jokerit : Sami Lepistö, le défenseur offensif qui organise une des deux unités du très bon powerplay (Matt Gilroy tient le même rôle sur l’autre, à chaque fois derrière quatre attaquants), et bien sûr Eeli Tolvanen, l’ailier de 19 ans dont la puissance et la précision de tir sont déjà jugées dignes des meilleurs buteurs de la KHL.
Malheureusement, le jeu des Jokerit s’est un peu délité et a perdu de sa stabilité en fin de saison régulière. On sentait moins un vrai meneur offensif, car le capitaine Peter Regin était moins efficace que d’habitude. La vitesse d’Antti Pihlström – blessé – a aussi fait défaut. Les Finlandais se sont donc inclinés en six manches devant le CSKA, après avoir tout de même livré un beau combat. Ils ont remporté un match plus que double, de 142 minutes, sur un but de Mika Niemi en cinquième prolongation (2-1) dans une patinoire moscovite désertée. Rämö y a démontré son grand retour en forme avec 84 arrêts sur 85 tirs.
Lokomotiv Yaroslavl (6e) : peu créatif mais plus agressif

Durant un peu plus de deux années, le grand fait d’armes de Kudashov est d’avoir éliminé le CSKA Moscou lors des play-offs 2016. Le plus étonnant était donc l’identité de son remplaçant : Dmitri Kvartalnov, l’ancien coach du CSKA qu’il avait alors dominé tactiquement. Parfois accusé d’être prévisible et peu adaptable, le hockey habituel de Kvartalnov a en tout cas été mis en place à Yaroslavl : un collectif au point, un jeu vertical et agressif.
Et si, cette fois dans la position d’outsider, Kvartalnov réussissait à surprendre le SKA au deuxième tour des play-offs ? Après un premier match complètement raté par le gardien Aleksei Murygin, c’est Aleksandr Sudnitsin qui a tenu le fort et confirmé sa prise de pouvoir comme numéro 1. Malheureusement, le Lokomotiv, dont le meilleur marqueur a été le défenseur Staffan Kronwall, n’avait pas de véritable meneur offensif. Il a mené la vie dure au SKA, mais avec 4 buts en 5 rencontres (et un but refusé à Nakladal car le palet avait auparavant frappé un plexi de sécurité extérieur à l’aire de jeu), il ne pouvait pas gagner.
Kvartalnov n’a pas hésité à envoyer son meilleur attaquant Brandon Kozun en tribune pour le remplacer en plein milieu des play-offs par un complet débutant de 17 ans à peine, Grigori Denisenko, un petit gabarit qui dribble à une vitesse folle mais s’est surtout distingué par son agressivité et par une charge « limite » sur Nikolai Prokhorkin (joueur qui avait très mal vécu au CSKA l’arrivée d’un certain Kvartalnov comme coach…).
Metallurg Magnitogorsk (7e) : le licenciement le plus injuste

L’injustice était encore plus grande car l’équipe a été vraiment renforcée après la mise à la porte de Vorobyov. Deux des trois arrières qui avaient traversé l’Atlantique ont alors fait le chemin inverse : Chris Lee dont le pari de débuter en NHL à 37 ans était trop osé, et Aleksei Bereglazov revenu en prêt. Le désormais inutile Schaus a alors pu être échangé à Kunlun contre le meilleur marqueur de l’équipe chinoise Wojtek Wolski. Enfin, Magnitka avait de quoi reformer un premier trio sans affaiblir les autres (jusqu’alors seul Tomas Filippi fonctionnait à l’aile de Jan Kovar et de Mozyakin mais on avait aussi besoin de lui au centre de la deuxième ligne).
La rumeur dit que Vorobyov a été rappelé un mois plus tard pour lui proposer de revenir ! Il n’a pas donné suite, et six mois plus tard, il s’est retrouvé sélectionneur national et entraîneur du club le plus riche du pays (le SKA). Pendant ce temps-là, Viktor Kozlov, qui n’avait que deux ans d’expérience derrière le banc comme adjoint, avait la partie plutôt facile en prenant en main le Metallurg : il s’est appuyé sur les systèmes déjà mis en place, insistant simplement sur une défense plus compacte. Magnitka a sauvé l’essentiel en play-offs en remportant le derby de l’Oural contre Ekaterinbourg, mais s’est ensuite logiquement incliné contre la profondeur de banc supérieure de Kazan.
Magnitogorsk a régressé après deux finales, et on voit mal comment cette équipe vieillissante remonterait. L’investissement majeur a consisté à prolonger la star Sergei Mozyakin jusqu’en 2020 pour en faire le plus gros salaire de KHL hors du SKA, une juste récompense de ses performances depuis cinq ans… mais les maintiendra-t-il à 36 ans ? Magnitka n’arrive pas à se renouveler car les joueurs formés au club n’arrivent plus à franchir un cap sur place (Kosov a ainsi été échangé à Kazan). Le défenseur de 20 ans Grigori Dronov, solide dans les duels et sûr dans ses relances, montrera-t-il le contre-exemple ?
 
			 
                                





























 
			










