La dernière fois que la Lettonie organisait le championnat du monde, c’était en 2006. Elle avait encaissé un 11-0 contre le Canada de Sidney Crosby et un spectateur avait lancé une chaussure la glace. Cette fois, aucun danger que des supporters baltes soient qualifiés de hooligans par la télévision canadienne, puisqu’il n’y a personne en tribune… même si le parlement a créé la surprise en demandant in extremis d’autoriser 2500 spectateurs (vaccinés ou avec anticorps) dans une décision très serrée hier (48 voix à 40). Mais le Premier Ministre a fait savoir qu’il n’y aurait pas de Conseil des ministres exceptionnel et qu’il faudrait attendre celui de jeudi prochain pour examiner. Le sujet met tout le monde politique letton en ébullition.
Aucun danger non plus que l’équipe organisée par Bob Hartley prenne onze buts. Les Lettons ne craignent plus le Canada depuis au moins le quart de finale olympique de Sotchi. Ils n’avaient perdu que sur un but de Connor McDavid en prolongation en 2018, et l’adversaire privé de superstars semble plus prenable cette année. On a appris qu’il avait encore perdu un joueur : Dillon Dubé a été victime d’une commotion cérébrale lors du dernier match en retard de saison régulière.
Bob Hartley met en place une rotation très courte de ses quatre lignes pour maintenir une forte énergie. Ses joueurs se regroupent très bien sans palet. Leur première action offensive installée provoque la faute Brandon Pirri qui accroche Uvis Balinskis, mais la circulation de palet balte n’aboutit à aucune position de tir. À 5 contre 5, la bataille tactique ne regorge pas d’occasions, d’un côté ou de l’autre. Le capitaine Kaspars Daugaviņš prend la première pénalité balte, et le jeu de puissance canadien est plus dangereux avec Maxime Comtois et Brandon Pirri. Mais une crosse haute de Gabril Vilardi oblige les rouges à finir la période en infériorité numérique. Il ne reste presque plus de temps, mais Ronalds Kenins fonce sur l’aile droite en entrée de zone et centre pour Miks Indrašis dont le tir à mi-distance passe entre les jambes de Darcy Kuemper… à une seconde de la fin du chronomètre (0-1). Un but en quatre tirs, beau ratio.
The hometown heroes strike first! 🇱🇻
Miks Indrasis with the buzzer beater to end the first period! 😳 #IIHFWorlds #CANLAT @lhf_lv pic.twitter.com/umWH5BrngQ
— IIHF (@IIHFHockey) May 21, 2021
Les occasions que la Lettonie n’a pas eu avant son but, elle les aura après. Encore plus en confiance, elle ressort des vestiaires en mettant une forte pression pendant près de deux minutes dans la zone offenive. Le Canada réplique à son tour par une séquence de possession qui envoie en prison Krastenbergs pour avoir accroché Hagel. Mais c’est Janis Jaks qui s’échappe en infériorité numérique, n’échouant que sur le gardien Kuemper. Au retour à cinq, l’équipe-hôte développe un jeu en triangle magnifique entre Dzierkals, Indrasis et Ralfs Freibergs : le défenseur est servi seul face au but mais n’arrive pas à battre Kuemper.
Les Baltes finissent par doubler la mise quand un tir de Kenins depuis la bande est joliment dévié de la crosse en l’air par Oskars Batna (0-2). La ville centrale du BAB a alors l’honneur rare d’être citée à la télévision canadienne. Enfin, presque. Il faudra dire aux commentateurs de TSN que Batna ne joue pas à « Anglais ». C’est pourtant simple, Anglet se prononce comme Huet… Arghh, d’où le problème. La jurisprudence de la mauvaise prononciation en Amérique du nord du gardien français affecte aujourd’hui le club basque. Ce but de Batna traduit en tout cas l’importance de la présence dans le slot. Matiss Kivelenieks a trop souvent eu la vue dégagée sur les 27 tirs canadiens des deux premières périodes.
It's the hand-eye-coordination for me! 😳
Oskars Batna gives Latvia a 2-0 lead! 🇱🇻 @lhf_lv#IIHFWorlds #CANLAT pic.twitter.com/jT59uYvCiz
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Le Canada intensifie son activité devant la cage quand Cibulskis va en prison au troisième tiers-temps. Quand le gardien n’a plus aucun moyen de voir partir le lancer, c’est Lauris Darzins – le bourreau de la France à la qualification olympique de 2013 – qui bloque le tir au départ. Kivielnieks s’interpose aussi quand Adam Henrique dévie entre les cercles une passe de Brandon Pirri. Même au retour au complet, la Lettonie fait maintenant le dos rond et se contente de défendre très groupée… même si Renars Krastenbergs, servi à la bleue sur une transition rapide, oblige la mitaine de Kuemper à aller chercher le palet en lucarne. Trente secondes plus tard, on revient dans la zone balte et Oskars Batna reste au sol, après un choc accidentel genou contre genou contre Vilardi. L’attaquant de l’Hormadi quitte difficilement la glace et grimace sur le banc.
Maxime Comtois était attendu comme un de leaders offensifs de la formation canadienne. Mais après une crosse haute en début de tiers, le meilleur marqueur des Ducks d’Anaheim commet encore une faute idiote en accrochant Kenins en zone offensive à huit minutes de la fin. Le Canada part à 2 contre 1 en infériorité, mais Freibergs se couche devant la passe. Le temps file en faveur des Lettons… mais Roberts Bukarts dégage le palet au-dessus des plexis à cinq minutes de la fin. Darzins dégage le palet, puis Krastenbergs et Dzerins gênent la construction canadienne. Il reste 13 secondes de supériorité numérique quand Gerald Gallant appelle son temps mort et sort son gardien pour jouer à 6 contre 4. Ses joueurs sont très imprécis dans leurs passes et leurs contrôles. Rodrigo Abols intercepte le palet et cherche à viser la cage vide depuis sa zone… La rondelle touche l’extérieur du cadre ! Daugavins vole ensuite le palet à Colin Miller à la ligne bleue… et tire sur le poteau ! Le Canada continue de jouer les trois dernières minutes sans gardien et pousse de nouveau. Bob Hartley utilise opportunément son temps mort après un dégagement interdit à 54 secondes de la fin. Rubins manque encore un long essai vers les filets déserts. Mais le palet gagné derrière la cage par Dzerins face à Comtois avec 25 secondes à jouer met fin au dernier suspense.
La Lettonie obtient sa première victoire sur le Canada dans une grande compétition, et elle efface définitivement le mauvais souvenir de 2006. On n’ose imaginer l’ambiance incroyable qu’il y aurait eu dans ce bâtiment pour saluer ce fantastique exploit. Quand l’adversaire s’appelle le Canada, c’en est toujours un. Depuis quinze ans en championnat du monde, il n’avait été blanchi qu’une seule fois, en 2016 contre la Finlande. Il a fait face ce soir à une équipe dont la réputation collective et défensive est plus récente que la Finlande, mais indubitable depuis l’arrivée de Bob Hartley. Pour un premier match de championnat du monde, Matiss Kivelenieks a réussi un coup de maître avec un blanchissage de 38 arrêts.
Désignés joueurs du match : Connor Brown pour le Canada et Matiss Kivelenieks pour la Lettonie.
Commentaires d’après-match
Ralfs Freibergs (défenseur de la Lettonie) : « Nous avons prouvé au Canada qu’il y a une autre nation du hockey – la Lettonie. Avec moins d’habitants, moins de joueurs, mais on aime énormément le hockey ici. Nous respectons toujours les Canadiens, mais c’est quelque chose de spécial pour nous. Nous nous étions préparés à ce match, nous l’avions étudié. Certains joueurs ont même mieux joué que d’habitude – comme Ronalds Ķēniņš. Chapeau à lui, il était en feu aujourd’hui. Si Roni continue à jouer comme ça, il sera le meilleur attaquant du tournoi. Malheureusement, il a déjà signer un contrat de cinq ans [avec Lausanne] mais tout peut changer. »
Canada – Lettonie 0-2 (0-1, 0-1, 0-0)
Vendredi 21 mai 2021 à 20h15 à l’Arena Riga. Huis clos.
Arbitres : Andre Schrader (ALL) et Michael Tscherrig (SUI) assistés de Jonas Merten (ALL) et David Obwegser (SUI).
Pénalités : Canada 8′ (4′, 0′, 4′) ; Lettonie 8′ (2′, 2′, 4′).
Tirs : Canada 38 (13, 14, 11) ; Lettonie 17 (4, 8, 5).
Évolution du score :
0-1 à 19’58 : Indrasis assisté de Kenins et Freibergs (sup. num.)
0-2 à 28’39 : Batna assisté de Kenins
Canada
Attaquants :
Maxime Comtois (4′) – Adam Henrique (C) – Brandon Pirri (2′)
Brandon Hagel – Justin Danforth – Connor Brown (A)
Nick Paul (-1) – Gabriel Vilardi (-1, 2′) – Michael Bunting (-1)
Cole Perfetti – Jaret Anderson-Dolan – Liam Foudy
Défenseurs
Colin Miller (A) – Mario Ferraro
Troy Stecher – Sean Walker
Nicolas Beaudin (-1) – Jacob Bernard-Docker (-1)
Braden Schneider [4 présences]
puis Owen Power à 20’00
Gardien :
Darcy Kuemper [sorti à 56’46]
Remplaçant : Adin Hill (G). En réserve : Michael DiPietro (G).
Lettonie
Attaquants :
Lauris Dārziņš (A) – Rodrigo Ābols – Kaspars Daugaviņš (C, 2′)
Roberts Bukarts (2′) – Andris Džeriņš (A) – Mārtiņš Karsums
Ronalds Ķēniņš (+1) – Miks Indrašis – Mārtiņš Dzierkals (+1)
Rihards Marenis – Oskars Batņa (+1) – Renārs Krastenbergs (2′)
Rihards Bukarts
Défenseurs :
Kristiāns Rubīns (+1) – Uvis Balinskis (+1)
Oskars Cibuļskis (2′) – Jānis Jaks
Kristaps Sotnieks – Ralfs Freibergs
Kristaps Zīle
Gardien :
Matīss Kivlenieks
Remplaçant : Ivars Punnenovs (G). En réserve : Jānis Kalniņš (G), Artūrs Kulda, Gunārs Skvorcovs (D), Miķelis Rēdlihs, Māris Bičevskis, Gints Meija (A).