Un club qui achète tous les meilleurs joueurs juste pour que ses concurrents ne les aient pas, même s’il ne peut pas tous les aligner, on pensait que ça n’existait qu’en football. Démenti avec le CSKA Moscou, dont l’appétit ne connaît plus aucune limite.

Même au registre des rentrées de NHL, les Moscovites ont fait en sorte de se tailler la grosse part du gâteau (sauf Markov qui à 38 ans ne rentrait pas dans la stratégie décrite ci-dessous) : l’attaquant défensif Roman Lyubimov, de retour au bercail au bout d’un an, Mikhaïl Grigorenko, ex-grand espoir du hockey russe de 23 ans au poste-clé de centre qu’il affectionne, et le solide défenseur international Aleksei Marchenko, qui a perdu son temps de jeu en NHL la saison dernière après une blessure à l’épaule. Que restait-il au SKA Saint-Pétersbourg, le grand rival ? Plus rien ou presque, et c’était le but.
Il y avait plusieurs motivations à ce recrutement à tout va. D’une part, l’ancien club de l’armée s’est porté garant du patriotisme en prouvant qu’il pouvait garder dans ses rangs nombre des meilleurs joueurs du pays, notamment pour les Jeux olympiques, à un moment où la KHL perdait ses forces. Mais cela va bien plus loin que la saison olympique. Toutes les recrues ont signé pour 3 ans, et le gardien Ilya Sorokin a prolongé pour la même durée. Autant d’années pendant lesquelles le CSKA veut dominer la ligue et assécher les ressources de son adversaire afin de soulever enfin la Coupe Gagarine qui se refuse à lui. Comment cela est-il compatible avec le plafond salarial décidé par la KHL ? On verra… Le CSKA a réclamé 6 joueurs en dehors du plafond et a obtenu « seulement » 2 dérogations pour des joueurs en provenance de la NHL. Mais les Burdasov et Shalunov auraient signé pour plus de 2 millions d’euros chacun par an…
L’autre problème est qu’à force de tirer sur tout ce qui bouge pour que la SKA soit bredouille, le CSKA a la besace qui déborde. Six lignes complètes en attaque et en défense ! Pour gérer la situation, une situation inédite dans le hockey mondial a été mise en place : absolument aucun joueur n’était titulaire. Après sept rencontres seulement, chaque hockeyeur avait passé au moins un match en tribunes !
Après cette situation provisoire de quatre à six semaines, les lignes définitives doivent se former. Mais le résultat était couru d’avance : en ayant signé un contrat à deux volets qui diminue son salaire par deux en cas de rétrogradation en équipe-ferme, Konstantin Okulov, meilleur buteur du CSKA en pré-saison, s’est piégé lui-même. Comme en NHL, la situation contractuelle détermine l’avenir du joueur. Que deux joueurs régulièrement appelés en équipe nationale la saison dernière, Okulov et Andrei Svetlakov, soient envoyés en équipe-ferme, cela fait quand même mauvais genre. Cette situation potentiellement explosive est confiée à un entraîneur assez inexpérimenté, Igor Nikitin, l’ancien adjoint de Dmitri Kvartalnov. Lui aussi a un contrat de 3 ans. Il tentera de maintenir un hockey moderne, prêt à l’innovation et à l’analyse des statistiques avancées.
Le défi est rude… tout comme celui de remplir les tribunes. Le club investit bien plus dans le recrutement que dans ses relations avec le public. Il a promis qu’il ferait des efforts, mais le premier match de pré-saison a montré que le chemin est long : la sécurité a confisqué les bouteilles en plastique même aux enfants, par 30 degrés de température extérieure… et alors que le bar de la patinoire était fermé.

La défense est donc affaiblie, mais l’autre arrière international Ilya Lyubushkin est privé de son partenaire : arrivé à Yaroslavl quand le club avait eu droit de prendre un jeune dans chaque autre club pour reconstituer une équipe après le crash aérien, il s’est bien acclimaté.
Le style de jeu du Lokomotiv suit la même philosophie que le club : ne pas foncer sans réfléchir et agir avec méthode. Les jeunes Russes ont l’air déjà de jouer comme des vétérans, avec de la patience, en évitant les erreurs. Mais il est un domaine où Yaroslavl se donne pleinement : l’intensité physique. Les joueurs font bon usage de leurs grands gabarits.
Défensivement solide devant son gardien Aleksei Murygin, cette équipe est cependant limitée en zone offensive. Une locomotive qui avance sur des rails, ce n’est pas vraiment imprévisible ni créatif. Le duo de 21 ans Kraskovsky-Korshkov est ainsi trop inefficace devant le but pour être redoutable malgré sa taille imposante. La responsabilité offensive, une fois de plus, repose donc un peu trop sur le cinq majeur des renforts étrangers (Kozun-Kontiola-Talbot avec la paire Kronwall-Nakladal en défense).

En conflit ouvert depuis longtemps avec Safronov, le Comité Central du Dynamo a tout simplement une équipe en KHL, légalement séparée de l’ancienne structure autonome du club de hockey, que l’on laisse faire faillite. Aucun espoir pour les créanciers de revoir leur argent : pour toute question, prière de s’adresser à M. Safronov. La KHL a peut-être créé un dangereux précédent en cautionnant son tour de passe-passe, mais le syndicat des joueurs s’est tout de même battu. 42 joueurs (dont 14 titulaires, les autres étant des réservistes ou des juniors) ont refusé de se rendre à l’examen médical d’avant-saison pour cause de salaires impayés. La commission disciplinaire de la KHL les a libérés de toute obligation contractuelle. Cela a le mérite de la cohérence : prétendre reprendre les contrats en cours sans régler les arriérés salariaux, ce serait un peu fort de café.
On pouvait donc craindre qu’il ne subsiste qu’un Dynamo privé de substance. L’entraîneur et ex-adjoint Vladimir Vorobiev, qui espérait s’appuyer sur un squelette existant solide, a déchanté. Les maillons-clés Matt Robinson, Artyom Fedorov ou Denis Kokarev se sont éparpillés. Le meilleur espoir du club, le gardien Klim Kostin, a filé outre-Atlantique. Le bilan n’est cependant pas si catastrophique : certains des réfractaires de la visite médicale, comme Juuso Hietanen et très tardivement Aleksei Tereshchenko, ont fini par re-signer malgré tout, n’ayant pas trouvé mieux ailleurs.
Le Dynamo, en fin de compte, a toujours une bonne défense, protégée par deux gardiens efficaces : l’inoxydable Aleksandr Eremenko (37 ans) et le MVP des play-offs qui a fait de l’équipe-ferme de Balashikha (dissoute cet été par mesure d’économie) la championne de VHL, Ivan Bocharov. À 22 ans, celui-ci a enfin sa chance alors qu’il n’était que le quatrième ou cinquième gardien dans l’organisation. Les départs ont donc aussi du bon.
Si les bases restent solides, le Dynamo dépeuplé manque plus que jamais d’un leader offensif. La principale recrue Dustin Boyd n’a plus son environnement familier d’Astana. Danil Tarasov pourra difficilement maintenir son excellente forme du début de saison au rythme effréné de la KHL, parce qu’il avait auparavant un rôle mineur et a soudain été (sur-)employé dans toutes les situations de jeu.

Sur le banc, pas de changement : Peteris Skudra fait toujours la loi. L’exigeant entraîneur letton a provoqué un remue-ménage estival en remplaçant une vingtaine de joueurs. Mais ce qui a surpris, c’est le retour massif de joueurs dont il s’était séparé depuis deux ou trois ans : le second gardien Ivan Lisutin, le défenseur Mikhaïl Grigoriev, les attaquants Denis Parshin, Sergei Kostitsyn ou Gennadi Stolyarov (nommé capitaine).
Avec ces volte-face, la stratégie est-elle lisible ? Alors que le style de Skudra a toujours été réputé travailleur et physique, le recrutement s’est orienté vers des étrangers de culture très technique : les hockeyeurs slovènes. Trois internationaux sont arrivés de la petite nation alpine, Jan Mursak, Ziga Jeglic et l’ultime joker Rok Ticar (qui avait commencé la saison à Ekaterinbourg). Les experts jugent toutefois l’effectif inférieur aux années précédentes. Au moins le gardien est-il motivé : Stanislav Galimov veut relancer sa carrière après avoir fini la saison sur le banc à Kazan.

Après avoir peiné à diriger les stars du SKA à sa promotion comme chef il y a deux ans (sa seule expérience d’entraîneur), Zubov découvre une situation plus difficile. Il y est allé gentiment pas à pas en découvrant une équipe en chantier et un système qu’il faudrait assimiler tout doucement.
Les play-offs, ce serait déjà bien pour une équipe qui a perdu les deux joueurs qui portaient l’offensive depuis trois ans, Ilya Krikunov et André Pettersson. Le Suédois était normalement toujours sous contrat, mais il a utilisé le règlement de la ligue sur les retards de salaire pour s’en libérer et signer à Omsk dès l’ouverture des transferts. Qui l’en blâmera ? Le soufflé olympique est retombé et Sotchi n’est plus vraiment « the place to be ». La qualification reste toutefois possible car le niveau de la Conférence Ouest de KHL ne cesse de chuter.

Deux recrues étrangères (Vojtech Mozik et Nicklas Burström) ont été consacrées à la défense pour combler le vide laissé par Jerabek. De ce fait, les cages seront gardées par un duo russe, Igor Sapyrkin étant rejoint par Mikhaïl Biryukov.
Individuellement, cette équipe-ci est elle aussi un peu moins forte, mais elle compte s’appuyer sur la discipline de fer maintenue par l’entraîneur Valeri Belov pour rééditer sa qualification historique en play-offs, qui avait été attendue depuis dix ans.

Penserait-on au spectacle ? Ça tombe bien, c’est la spécialité du gardien slovaque Julius Hudacek, qui s’est taillé une réputation de showman à Örebro en Suède. Mais le Slovaque, qui n’était resté qu’un match au Sibir il y a trois ans, devra surtout convaincre par ses performances sportives pour remplacer Jakub Kovar.
Sinon, le recrutement du manager Valeri Zelepukin se limite à des vétérans presque oubliés : l’ex-international Konstantin Korneev n’est plus que l’ombre de lui-même depuis deux ans et Vitali Vishnevski n’a plus joué du tout dans ce laps de temps, même s’il continuait à s’entraîner cinq fois par semaine du côté d’Anaheim. L’essentiel est toutefois que les joueurs formés au club emmenés par Dmitri Kagarlitsky continuent de porter l’équipe. Même s’ils ne sont pas glamour.









































