Le transfert le plus cher de toute l’histoire du hockey sur glace est l’évènement-clé de ce troisième volet de la présentation de KHL. Après avoir achevé la Conférence ouest, franchissons maintenant la Volga puis l’Oural…

Le capitaine Sergei Mozyakin a été prolongé jusqu’en 2018 et a l’intention de rester à Magnitogorsk où son fils de 13 ans brille déjà dans sa classe d’âge. Il a aussi tenu à préciser qu’il n’avait jamais abandonné l’équipe nationale et qu’il était prêt à venir à chaque tournoi, malgré son refus monté en épingle en mai. La ligne Zaripov-Kovar-Mozyakin a encore inscrit presque tous les buts en présaison et est absolument intouchable, en interne comme par les adversaires.
Le reste de l’effectif n’a presque pas varié, car la stabilité doit être la clé pour établir une dynastie. Le Metallurg Magnitogorsk a eu l’opportunité de récupérer un marqueur secondaire régulier, Maksim Yakutsenia, pendant l’année sabbatique du Donbass Donetsk. Les places sont très ouvertes derrière la première ligne, et c’est une chance pour le technique et physique Vladislav Kamenev de se faire une place au centre de la deuxième ligne : ce joueur de tout juste 18 ans, formé dans le club voisin d’Orsk (300 km plus au sud le long de l’Oural), est traité à égalité avec l’ex-joueur de NHL Tim Brent.
Le Metallurg continue donc de faire confiance aux jeunes, et l’a déjà prouvé avec Viktor Antipin : le fils de Vladimir Antipin, international du Kazakhstan et auteur du but historique qui a sacré Magnitogorsk champion d’Europe en 1999, est arrivé au club à quatre ans et demi avec son père et y a été formé. Ce défenseur de taille modeste n’hésite pas à aller de l’avant et a épaté face aux meilleures lignes adverses. Sa prochaine étape cette saison est certainement son premier test en équipe nationale.

Pour cette nouvelle saison, il a retrouvé sa place originelle de coach. Valeri Belov, qui lui avait succédé, a été gentiment prié de redevenir son adjoint, comme si rien n’avait changé depuis 2011. Sauf que tout a changé, et en particulier l’équipe.
S’il y a bien un nom que l’on pensait indissociable de Bilyaletdinov, c’est bien le centre Aleksei Tereshchenko qui l’avait suivi du Dynamo à Kazan en 2004. Et pourtant, il a participé à la décision collégiale du club de s’en séparer. Ak Bars espérait faire jouer la clause de compensation de la nouvelle convention collective, mais celle-ci n’est valable que pour les contrats signés depuis le 30 avril. Pour les contrats anciens, les clauses restent applicables, le syndicat des joueurs l’a fait remarquer et la KHL l’a confirmé. Kazan a donc finalement dû payer 900 000 euros pour racheter les deux ans de contrat de Tereshchenko, sachant que l’économie nette réalisée sur son salaire ne paye même pas l’indemnité-record de transfert de son remplaçant Fyodor Malykhin. N’est-ce pas un peu cher pour substituer une valeur sûre par un joueur, certes plus jeune, mais qui a encore tout à prouver après une seule très bonne saison ?
Le démantèlement des joueurs-clés de la dynastie championne en 2010 et 2011 est en tout cas assumé : après les départs du gardien Barulin, des ailiers Zaripov et Morozov, du centre Tereshchenko, il ne reste plus que le défenseur Ilya Nikulin, resté mais « dégradé ». Il n’est plus capitaine : les joueurs ont élu à sa place Aleksandr Svitov, centre qui utilise son gabarit dans les duels et pour masquer le gardien en supériorité numérique.
Kazan ne se repose donc plus sur des cadres russes qui peuvent former la base de l’équipe nationale : les postes-clés sont désormais confiés à des étrangers, en incluant dans cette catégorie l’international biélorusse Sergei Kostsitsyn même s’il ne rentre pas dans le quota. La recrue majeure est le double champion suédois à Skellefteå, le très convoité Oscar Möller (les Los Angeles Kings, le SKA Saint-Pétersbourg et le Salavat Yulaev Ufa étaient aussi sur les rangs). Le Canadien Justin Azevedo, meilleur buteur des play-offs de KHL, devra confirmer son « printemps de Prague ». Et le prometteur gardien Emil Garipov, champion du monde junior 2011, risque de retourner sur le banc car le nouveau venu, l’international suédois Anders Nilsson, sera difficile à déloger de sa cage avec ses 195 cm et 103 kg.
Bilyaletdinov ne fera donc pas plaisir à l’opinion russe… mais il sait maintenant que c’est une cause perdue.

Or, l’effectif à sa disposition pose question. Le Traktor a fait revenir Deron Quint, le défenseur américain avec qui il avait atteint la finale en 2013. Mais cet honorable vétéran, qui n’a pas rajeuni et a maintenant 38 ans, est-il adapté aux nouvelles règles avec une zone neutre réduite, qui favorise les transitions rapides ? L’interrogation vaut aussi pour Oleg Piganovich, ancien joueur de Chelyabinsk entre 2007 et 2010, plus connu pour son slap que pour sa vitesse, et pour l’ex-international Vitali Atyushov, qui a beaucoup décliné la saison passée à l’Atlant. Déjà jugée lente et vieillissante il y a deux ans quand elle avait surpris jusqu’en finale de KHL, la défense a plus accentué que corrigé ce défaut. En plus, tous les arrières tirent de la gauche, ce qui ne paraît pas non plus équilibré.
L’attaque a plus de qualités, si plusieurs joueurs arrivent à se réhabiliter. L’éternelle énigme Andrei Kostsitsyn doit enfin tirer le meilleur de son talent. Stanislav Chistov, doté de mains d’or, a dû s’excuser auprès du président de ses fautes disciplinaires (alcool…) pour garder sa place dans l’équipe. Konstantin Panov, joueur-modèle cité en exemple en 2012/13, avait perdu la sienne quelques mois plus tard parce qu’il ne s’engageait plus dans les duels comme avant, alors que son physique est son principal atout.
Le Traktor aura d’autant plus besoin d’eux que, outre la pépite locale Evgeni Kuznetsov, le meneur offensif Petri Kontiola est aussi parti en NHL, mais sans prévenir de ses intentions les dirigeants qui l’ont appris par son agent. Les deux recrues étrangères ne semblent pas du niveau du centre finlandais. Ni Kyle Wilson, le meilleur marqueur du Dynamo Riga qui a signé pour deux ans. Ni Martin Ruzicka, le joueur dominant de l’Extraliga tchèque qui n’a jamais transposé ses succès en compétition internationale.
Après une finale puis une non-qualification, le Traktor semble simplement redevenu un club moyen, destiné à une élimination anonyme au premier tour.

Les principaux atouts ont été conservés. Le meilleur marqueur Egor Milovzorov et le pilier défensif Nikolai Belov, qui avaient été prêtés au grand frère Kazan en janvier, sont revenus. Maksim Rybin, ancien chouchou du Spartak, arrivé en novembre dernier, a été promu capitaine.
Le départ du défenseur Renat Mamashev, qui n’avait pas du tout confirmé son exceptionnelle saison 2012/13, avait été annoncé dès le mois de février : il a surpris en tentant sa chance à 31 ans au camp de pré-saison des New Jersey Devils (où il a tenu deux semaines, restant donc sans club). Il a été remplacé à Nijnekamsk par un autre défenseur offensif ayant connu une saison de gloire (quand il a battu le record du monde du slap le plus puissant en 2012), Aleksandr Ryazantsev.
Alors que les nationalités des étrangers étaient très dispersées, le Neftekhimik a désormais clarifié les rôles : des Finlandais derrière (le jeune gardien Ville Kolppanen et le défenseur Teemu Eronen), des Américains devant. Le rapide Dan Sexton, arrivé en janvier, a en effet été rejoint par un autre petit gabarit, l’international Tim Stapleton qui reste sur trois bonnes saisons (27 points en NHL, puis 40 et 33 en KHL), et par Josh Hennessy. Les Yankees donneront-ils au club tatar ce punch à l’attaque qui lui faisait défaut ?

Ville la plus septentrionale de la KHL, Khanty-Mansiysk n’a d’autre attrait que pétrolier et les volontaires pour se déplacer dans le Grand Nord sont rares. L’équipe a toujours été constituée de sans-grade. L’an dernier, le meilleur marqueur était un parfait inconnu, Mikhaïl Zhukov (23 points), parti à Nijnekamsk. On est d’autant plus surpris de voir débarquer Nikita Filatov, l’ancien n°6 de draft parti aussi sec en NHL, qui est déjà en recherche d’une dernière chance à 24 ans après une dernière saison moyenne à Ufa.
Les étrangers sont aussi un peu plus prestigieux que d’habitude. Libéré par le retrait du Donbass, Lukas Kaspar a été champion du monde en 2010, année où il évoluait aux Kärpät Oulu avec Yushkevich dont c’était la dernière année de carrière comme joueur. Le centre canadien Ben Maxwell arrive directement des Kärpät puisqu’il a été champion avec eux au printemps. Le petit et vif Toni Rajala était le meilleur marqueur du Mondial U18 en 2009, il pourrait connaître sa grande percée cinq ans plus tard. Le relanceur avisé Philip Larsen est le premier joueur du Danemark en KHL, en provenance directe de NHL. Enfin, le déménageur Ilari Melart, prêté par Columbus en cours de saison dernière, est resté en Sibérie occidentale.
Pour une fois, le Yugra Khanty-Mansiysk pourrait donc passer pour un prétendant légitime aux play-offs sur ses seules qualités individuelles. À Yushkevich d’insuffler la dynamique adéquate.

On ne peut en tout cas pas accuser l’Avtomobilist de ne pas savoir négocier : la compensation versée par Kazan (115 millions de roubles, soit 2,3 millions d’euros) est tout simplement la plus grosse indemnité de transfert jamais vue dans l’histoire du hockey sur glace. Dans ce sport, un système des transferts comparable au football a toujours été battu en brèche par la NHL qui veut imposer son modèle – prévoyant des compensations 20 fois inférieures – pour bénéficier sans trop payer des joueurs européens.
Sans Malikhin, l’Avtomobilist devra compter sur des recrues étrangères en attaque : le Tchèque Jakub Petruzalek et l’inattendu Gilbert Brulé. Ce numéro 6 de la draft NHL 2005, avait refusé d’être envoyé en AHL le 31 décembre dernier. Brian Maloney, le manager de Phoenix, avait alors expliqué : « Il a décidé qu’il ne voulait plus vivre avec sa valise, il en avait marre de vivre dans les hôtels, il m’a dit qu’il arrêtait le hockey et deviendrait peut-être pompier. […] J’ai mentionné que c’est dur de gagner l’argent qu’il se fait dans le monde réel, mais il le découvrira assez vite. » C’est apparemment le cas, puisque Brulé, sur le point de venir en KHL l’été dernier, a franchi le pas et veut rechausser les patins. Même volonté de retour chez Viktor Kozlov, qui rechausse les patins à 39 ans après une saison blanche sur blessure.
Si l’on veut bien remiser au placard les doux rêves de titre, on constatera qu’il reste une clé de réussite de l’Avtomobilist : que le gardien international tchèque Jakub Kovar continue de fricoter avec les 93% d’arrêts…

Pour autant, le Lada repart de presque rien. En VHL – la division inférieure – il figurait dans le ventre mou du classement. Pour être compétitif, il faut donc rebâtir une équipe. Et la façon la plus simple est de rappeler ceux qui avaient vécu les dernières heures avant l’exclusion de la ligue, comme si rien n’avait changé. Première étape, l’entraîneur : Sergei Svetlov avait été le dernier coach du Lada Togliatti en KHL en 2010, et il sera aussi le premier coach de la « résurrection ».
Les inséparables Yuri Petrov et Aleksandr Chernikov, deux joueurs formés ensemble à Togliatti, sont aussi revenus après avoir passé les quatre années « transitoires » dans les mêmes clubs (deux ans à Novosibirsk puis deux ans à Yaroslavl). Ils y jouaient un rôle mineur, mais revenus chez eux, ils prennent des responsabilités offensives majeures. Le Lada ne compte en effet qu’un seul étranger en attaque, l’international tchèque Martin Zatovic.
Sachant qu’il serait le petit poucet, le Lada a surtout cherché à blinder sa défense avec un Tchèque (Jiri Hunkes) et deux Slovaques (Peter Podhradský et Karol Sloboda), devant le gardien canadien Jeff Glass. Mais ce dernier n’est déjà plus seul, car rapidement, le SKA a expédié son gardien Ilya Ezhov, qui ne jouait plus, afin qu’il puisse avoir sa chance comme titulaire.
La religion née du temps de Piotr Vorobiev (priorité à la défense et priorité à la formation locale) reste donc bien ancrée à Togliatti. C’est la seule route vers le succès pour le Lada.









































