La KHL est la première ligue à démarrer, et on commence la présentation par la division Kharlamov, la seule qui ne compte aucune équipe faible. Le champion Kazan, dont l’entraîneur semble avoir pris ombrage d’un adjoint étranger, reste favori, mais il a des concurrents dans l’Oural avec Magnitogorsk qui aligne un étonnant duo père-fils et l’ambitieux Avtomobilist Ekaterinbourg de Stéphane Da Costa.
Il y aura aussi un intéressant changement de style de jeu au Traktor, un qui ne changera jamais (Nazarov) et les débuts dans un contexte difficile d’un ancien joueur de Morzine-Avoriaz au poste de directeur sportif !

Le « bonbon » en question, c’est Emil Garipov, meilleur gardien des play-offs avec des statistiques jamais vues en KHL. Le portier tatar a reconnu que Moisanen l’a fait progresser dans l’analyse du jeu et des adversaires, tout le travail préalable aux arrêts qui ne constituent que la dernière étape du rôle d’un gardien. Et le Finlandais n’a été viré qu’après la prolongation de contrat de Garipov, qui n’est toutefois pas du genre à faire de vagues ou à s’en plaindre publiquement. Ce qu’il a appris ne pourra pas en tout cas pas être désappris…
Deux défenseurs majeurs sont aussi partis. Atte Ohtamaa a été remplacé par le Canadien Paul Postma, un grand gabarit utilisé dans un rôle secondaire en NHL, mais qui patine bien et avait démontré son impact offensif en junior et en AHL. Bilyaletdinov voulait conserver Vassili Tokranov à tout prix, mais le SKA a joué la surenchère en doublant à la fois la durée de contrat (4 ans) et le salaire proposés par Kazan. Ak Bars devra se rabattre sur Andrei Pedan, né en Lituanie mais formé aux Krylia Sovietov de Moscou. Parti à 17 ans au Canada, il revient huit ans plus tard en n’ayant joué que 13 matches en NHL… en partie comme « attaquant bouche-trou » à Vancouver.
Avec un leader menacé par l’âge (Andrei Markov atteindra la barre symbolique des 40 ans en décembre), la défense de Kazan paraît donc individuellement moins forte. Mais la force des Tatars résidait dans l’équilibre de l’effectif, où tout le monde dépend. La troisième ligne offensive Lukoyanov-Burmistrov-Potapov s’est spécialisée la saison passée dans un rôle de neutralisation des trios adverses, donnant plus d’espace à un top-6 talentueux (Sekac-Malykhin-Azevedo et Zaripov-Tkachyov-Galiev). En se permettant d’avoir en quatrième ligne l’ancien joueur de NHL Rob Klinkhammer, Ak Bars garde une belle profondeur en attaque.

L’ennui, c’est que Kulyomin a 31 ans et sort d’une saison presque blanche à cause d’une blessure à l’épaule. En NHL, il a mis sous le boisseau son talent pour devenir peu à peu un spécialiste de l’infériorité numérique et du travail défensif. Il avait envie d’ouvrir une nouvelle page en retrouvant un rôle offensif, qu’il avait tenu à merveille lors du dernier lock-out en 2012, sur un trio avec Mozyakin et Malkin. Le problème, c’est qu’il n’y a évidemment plus Malkin, ni même Jan Kovar, le centre numéro 1 des dernières saisons, parti tenter sa chance en NHL.
Il n’est pas évident de trouver un centre capable de faire briller le buteur Mozyakin. Les Canadiens n’ont pas la même culture et l’entente avec Matt Ellison avait déjà été tentée l’an passé sans trop de résultat. Reste Dennis Rasmussen, qui a certes des qualités techniques, mais qui les a rarement exprimées à un tel niveau. C’est une sacrée pression pour le Suédois, tout comme pour l’autre recrue étrangère Iiro Pakarinen, utilisé comme joueur d’énergie en NHL. Dans un club comme Magnitogorsk, les étrangers doivent être des leaders, mais ils ont souvent eu des missions défensives (comme la dernière recrue importante, l’international russe Roman Lyubimov). Le top-6 n’est pas évident à construire, et la pression va fatalement se reporter sur le nouvel entraîneur, le désormais ex-sélectionneur tchèque Josef Jandac.
Un étranger a un peu moins de pression : Maxim Matushkin. Et pour cause, ce fils d’un ancien international biélorusse (Igor Matushkin), même s’il a été formé en Suède et a la nationalité de ce pays, va être enregistré comme russe. Le club a préparé tous les papiers avec la fédération, qui s’en est assurée auprès du ministère. Comme il n’a pas représenté d’autre pays, il rentrera dans le champ des « sélectionnables », même s’il faudrait passer deux années complètes dans le championnat russe pour qu’il puisse vraiment l’être selon les règlements internationaux. Le Metallurg a préparé son coup depuis un an en suivant ce joueur, qui arrive avec le statut de meilleur marqueur des défenseurs en Liiga finlandaise. Mais en Suède, c’était un joueur de second plan qui n’avait presque pas joué en élite. On verra sur pièce ce que Magnitka a vraiment sorti de son chapeau.
Ce qui est certain en tout cas, c’est que Magnitogorsk continue de former de bons jeunes, et qu’ils auront leur chance. Yuri Platonov, 18 ans, débute ainsi… dans le même vestiaire que son père – précoce – Denis, 36 ans. Le duo père-fils, aligné côte-à-côte sur la même ligne en pré-saison, peut être une des belles histoires de la saison de KHL ! Et ce n’est peut-être pas le dernier tandem filial car on annonce que Mozyakin junior (17 ans) est lui-même très talentueux…

La politique de retour n’a donc pas concerné un joueur local, mais… un entraîneur formé au club, qui est aussi un ancien joueur de l’époque soviétique. Alors simple adjoint, Andrei Martyemanov avait eu sa première expérience d’entraîneur en chef à l’automne 2011 en prenant en mais une équipe de l’Avtomobilist totalement désargentée, qui avait fini dernière de la Conférence Est. Les finances du club ont fait du chemin depuis, et Martyemanov aussi. Il revient dans sa ville natale après avoir marqué les esprits la saison passée à Khabarovsk par son système de jeu agressif. Contrairement à son prédécesseur Krikunov, c’est quelqu’un qui communique bien avec les hockeyeurs étrangers, même si c’est via un traducteur.
Cela tombe bien car l’Avtomobilist s’est surtout renforcé avec trois étrangers de premier plan, qui connaissent très bien la KHL et y ont été très performants. Nigel Dawes et Stéphane Da Costa arrivent pour former avec le petit buteur maison Anatoli Golyshev un trio de très grande valeur technique, capable de mettre le feu dans les défenses. Dan Sexton, qui tournait à presque un point par match à Nijnekamsk depuis quatre ans, est aligné pour sa part aux côtés de Francis Paré. Vu que le trio Krikunov-Kucheryavenko-Chesalin a déjà fait ses preuves, l’attaque d’Ekaterinbourg, qui était déjà la meilleure à l’est, devient redoutable. Et comme le gardien tchèque Jakub Kovar est toujours présent dans les cages, on ne comprendrait pas que l’Avtomobilist ne passe pas au moins un tour de play-offs, ce qu’elle n’a encore jamais fait. Elle doit normalement viser bien plus haut.

Si cette base arrière se voit demander plus d’activité, c’est aussi parce que le système de jeu va changer. Anuar Gatiyatullin (désormais adjoint de Vorobiev au SKA) avait mis en place un système très compact en zone neutre et dans sa zone, qui ne laissait que des tirs extérieurs, ce qui expliquait le pourcentage de réussite élevé des gardiens. Le nouveau coach German Titov, lui, ne veut en aucun cas subir le jeu : ses joueurs ont pour consignes d’être plus actifs sans palet, de sortir rapidement de leur zone défensive, et – si jamais ils s’y font presser et coincer – de partir au banc un à un pour changer pendant que les quatre autres font bloc.
Titov a aussi recommandé Ryan Stoa, qu’il avait déjà eu sous ses ordres au Spartak et auparavant à Novokuznetsk. Il y avait alors aidé à révéler le jeune prodige Kirill Kaprizov. L’Américain doit désormais tenir le même rôle auprès d’un autre espoir du hockey russe, Vitali Kravtsov, privé de son mentor de l’an passé Kruchinin (parti au SKA). Techniquement doué avec un patinage grandiose, Kravtsov doit encore travailler sa puissance et gagner en métier, car une éclosion printanière en play-offs ne suffit pas à faire un champion. Mais avec son caractère communicant et souriant, il s’est tout de suite bien entendu avec l’Américain, d’autant qu’il parle bien anglais. Si le duo fonctionne, il pourrait soulager un peu le premier trio étranger Bergström-Szczechura-Gynge du poids de l’offensive.

L’objectif officiel – accéder au deuxième tour des play-offs – paraît donc franchement irréaliste. Pour le Torpedo, il s’agira déjà de s’y qualifier. Le nouveau staff est totalement novice. Yan Golubovsky (oui, l’ancien joueur de Morzine-Avoriaz en 2011/12 !) démarre sa carrière de directeur général dans des conditions difficiles : le club a déjà eu du mal à finir de régler les salaires de la saison passée, et la potentielle meilleure recrue Jonathon Blum est repartie pendant l’été pour raisons familiales. Le Canado-Russe David Nemirovsky aborde lui une première expérience de coach en prenant la difficile succession de Peteris Skudra qui avait marqué l’équipe de son empreinte (mais qui est actuellement sans emploi parce que sa non-reconduction lui a été signifiée tardivement et parce que son caractère fait peur).
C’est plus ce contexte qui inquiète, car l’effectif garde quand même du potentiel. Le gardien Stanislav Galimov est toujours là et la défense a conservé ses cadres autour de Denis Barantsev. Le retour de l’ailier formé du club Mikhaïl Varnakov, cinq ans après son départ, apporte un ancrage d’expérience. Il complète bien le premier trio avec Vladimir Galuzin – qui n’a jamais quitté le club – et le toujours redoutable Denis Parshin.
Tout dépendra de la bonne adaptation du « deuxième cinq », unité constituée entièrement d’étrangers. Le Slovène Robert Sabolic est le seul à ne pas être nouveau, et surtout le seul à connaître la KHL. Ses compagnons de ligne nord-américains Andy Miele et Andrew Calof ont été champions de Suède avec Växjö. Les défenseurs Philip Holm et Mathew Bodie arrivent pour leur part d’AHL.

L’international tchèque Ondrej Nestrasil, absent en ce début de saison, viendra sans doute prendre place sur le premier trio dans un second temps. Pendant ce temps, on laisse le trio finlandais Joonas Nättinen – Mikael Ruohomaa – Juusi Puustinen prendre ses marques sur la deuxième ligne et découvrir la KHL. Néanmoins, Puustinen était le meilleur buteur de la Liiga la saison dernière et il est certain qu’on va lui demander des comptes, et de l’efficacité offensive. Nazarov, qui dispose d’une escouade de travailleurs énergiques, saura alors réattribuer les rôles à chacun. Peut-être même les rôles douteux qui ont moins à voir avec le hockey et plus avec la boxe…









































